Premiers -30°C

Mercredi 5 juin, la température a plongé de manière impressionnante après midi, perdant 14 degrés en quelques heures, jusqu'à -31,8°C !

Graphique de la température à DDU, entre le 4 juin 09h UTC (19h loc) et le 5 juin 08h UTC (18h loc)

Moins trente degrés, le seuil du très grand froid, qui n'est pas forcément atteint tous les ans en Terre Adélie, bordure côtière plutôt douce d'un continent glacial. Nos prédécesseurs en 2018 n'avaient pas atteint ce seuil, par exemple. Quant au record absolu, il est de "seulement" -37,5°C, en août 1990, une qurantaine de moins que celui du Dôme C à 1100 km à vol d'oiseau. C'est moins froid que les records absolus établis sur les parties nord-est des masses continentales de l'Hémisphère Nord, à des latitudes pourtant plus basses (Québec, Mandchourie par exemple).
Comme je l'ai déjà évoqué, le paramètre météo le plus marquant ici est plutôt le vent que le froid.

La neige fraîche était présente en grande quantité, tombée en abondance pendant 4 des 6 derniers jours. Surtout, le dernier épisode était peu venté, la neige recouvrait tous les cailloux. Tout était blanc.
Et ce mercredi, il n'y avait pas de vent bien établi. Deux conditions favorables à des pertes radiatives importantes au niveau de la surface, surtout en cette période où le soleil ne nous procure que très peu d'énergie, apparaissant 1 à 2 degrés au-dessus de l'horizon à midi...
S'il y avait eu un catabatique, même tout petit, on n'aurait pas eu de telles valeurs. La preuve, après deux heures passées en dessous de -30°C, le fameux vent de sud-est a pris ses quartiers, à une vitesse modeste de 35 km/h en moyenne. En moins de deux heures, nous voilà remontés à -21°C ! 

5 juin 2019, peu avant 13 heures, la températures a déjà perdu 5°C en une demie-heure, pendant une période sans vent. D'habitude, on voit très bien les rochers au premier plan, pour une fois recouverts de neige fraîche..

Cette expérience de grand froid a été l'occasion d'être témoins de certains phénomènes inédits : par exemple, la tôle du bâtiment de la météo travaille et fait des bruits sourds par intermittence ; prendre de grandes inspirations d'air glacial en est douloureux, il faut respirer lentement par le nez ; le tissu des vestes de nos dotations de l'IPEV se figent, on a la sensation d'être engoncé dans un sac de toile rigide. On a aussi pu tester une petite expérience physique rigolote, celle de la formation instantanée de cristaux de glace en jetant de l'eau chaude en l'air. Cela marche à partir de -28/-30°C environ, et d'autant mieux qu'il fait plus froid, et que l'eau est bouillante !
En effet, plus l'eau est chaude, plus les gouttes d'eau sont petites, ce qui augmente la surface d'échanges thermiques avec l'air glacial, une fois le seau d'eau jeté en l'air. J'espère connaître à nouveau de telles valeurs de température plus tard en hiver, pour pouvoir le photographier à la lumière du jour !

Ce n'est évidemment pas dans ces conditions que l'on s'est attaquée aux énormes congères accumulées depuis plusieurs jours.
A cinq, en 2 heures, on a pu dégager celle qui obstruait l'une des trois sorties du bâtiment du séjour.
Entre 15 et 20 mètres cube de neige. En sortant du séjour, on est désormais entouré de falaises de neige atteignant plus de 3 mètres de haut.
 

La congère derrière le séjour

 Ce 6 juin était encore froid, sans atteindre les extrêmes de la veille : entre -26 et -20°C, avec un catabatique bien plus fort, atteignant 100 km/h en rafales, balayant la neige récente, des cailloux notamment, pour la disposer sur les congères déjà existantes.

Sinon, la campagne de la MidWinter bat son plein actuellement !
Avec Mervyn, "instrumagicien", et Claire, la médecin, nous pilotons la CEPAFO, Commission Electorale Partiellement Arbitraire et Faiblement Organisée. Un petit clin d'oeil à Kaamelott dont pas mal d'hivernants connaissent les meilleures répliques ;)
Le règlement électoral et ses 69 articles (évidemment) a été validé par le DISTA, et ce sont 5 partis qui se font concurrence, ce qui témoigne d'une bonne implication de l'ensemble du personnel sur base : en effet, il fallait à chaque candidat trois parrainages : une large majorité d'hivernants y est donc allée de son parrainage !
Désireux de m'impliquer à fond dans cet événement festif célébrant la moitié d'un hivernage, j'ai finalement décidé de me lancer : et voici que le cinquième parti, GUITARE, la Guilde Uniquement Intéressée en Terre Adélie pour Rire Ensemble, est apparu dans la dernière ligne droite de la campagne de récolte de parrainages.

Double casquette de président de la CEPAFO et candidat au poste de Onzta, donc. Les journées en deviennent encore plus remplies, entre réunions de la CEPAFO, réunions de campagne avec Charles, Greg et Nico, mes parrains. L'objectif, plus que de gagner dimanche 16 juin, c'est de rire, et de ce côté là tout se passe bien !
Peu de temps du coup pour passer des heures sur la banquise, observer les empereurs. De toutes façons, les périodes de jour sont désormais bien trop courtes (entre 11h et 14h) pour se faire, et les abondantes chutes de neige combinées aux grandes marées de la Nouvelle Lune ont rendu l'accès et la progression sur banquise particulièrement délicates, voire périlleuses.
Il y aura encore du temps, notamment à partir du mois de juillet, et surtout en août et septembre, pour consacrer des journées de plus en plus longues aux balades en extérieur, quand la météo sera bonne !

On finit avec le traditionnel tableau climatologique, avec notre nouveau record de froid !

TM	TNN	TXX	FFM	FXY	FXI	INSOL
-7,6°C	-31,8°C le 06/06	6,4°C le 18/12	36,0 km/h	137,2 km/h le 07/04	196,2 km/h le 07/04	1078,5 h

J'ai complété mon dernier article pour y inclure le récit de l'exercice "rescue" qui a impliqué toute la base mardi 28 mai : https://heymespheresud.blogspot.com/2019/05/un-milieu-hostile_23.html