Balades sur la banquise

La MidWinter est déjà bien loin, puisque cela fait 15 jours que les festivités sont terminées.
Depuis, le temps est resté plutôt calme et froid, jusqu'à hier, dimanche 7 juillet. 16 jours avec une température moyenne de -21.2° soit un peu plus de 5°C de déficit, en fluctuant entre -14 et -28.2°C.  Un ciel souvent dégagé, sans perturbation marquée, et un vent le plus souvent faible : 20 km/h en moyenne, avec des soubresauts catabatiques à 165 km/h le 23 juin, 150 km/h le 24 juin, et 117 km/h le 6 juillet. Des conditions idéales pour profiter de la banquise avec des journées de plus en plus longues. Tout est relatif, puisque le soleil se lève en ce moment vers 11h12 pour se coucher à 14h18. Un peu plus de trois heures, c'est déjà une de plus qu'au solstice !

Les conditions de sécurité sur base sont strictes, notamment en ce qui concerne la progression sur banquise. Des périmètres de sécurité sont définis par le Dista, en fonction des épaisseurs de glace sondées. On peut se rendre seul en Z1, à condition d'avoir une VHF et de signaler sa position. En Z2, il faut être 2, et minimum 3 en Z3 pour les sorties longues, avec 3 radios, sacs banquise complet et remplir une feuille de manip' 48h à l'avance, signée par le médecin, le chef météo (moi), le chef technique et le Dista.
Le périmètre actuellement valable est large, puisqu'il comprend toute la périphérie de l'île des Pétrels et les abords de la manchotière en Z1, et de nombreuses îles et îlots assez éloignés de l'archipel en Z2.
En rouge, ce sont les secteurs de la ZSPA120 (zone spécialement protégée de l'Antarctique), strictement interdites d'accès sauf autorisation des TAAF pour les ornithologues, en raison des colonies d'oiseaux protégés qui y vivent, et qui comprend, au sud-est de la base, en plus des îles Mauguen, Rostand, Lamarck et Bernard, le Nunatak du Bon Docteur et la colonie d'empereurs.




 
Le 27 juin, balade avec Tony, boulanger-pâtissier, et Claire, médecin, autour des "bergs" figés dans la banquise, de l'autre côté de la Piste du Lion, jusqu'au rocher de "La Dent", à l'Est puis au Nord-Est de la base. Des vues inédites : les faces cachées des bergs, immobiles depuis l'embâcle définitive mi-avril, de la base depuis le Nord, à une distance de 4 kilomètres. Retour en faisant le tour de l'île des Pétrels par l'ouest, en passant au-dessous de la Croix Prudhomme.

Rivière large mais bien gelée, entre l'île Bernard et le glacier de l'Astrolabe

La face cachée du berg !

Et le selfie qui va bien ! Crédits Tony Aubry


Vue de l'île des Pétrels depuis la banquise, au Nord-Est


Vue ver le rocher de la Dent, et au fond le glacier de l'Astrolabe


Vue de l'île des Pétrels depuis le nord, le "hangar avion" de la piste du Lion à gauche

 
Le 2 juillet, balade vers la manchotière, pour la première fois depuis trois semaines ! Entre la préparation de la Mid, puis la Mid en elle-même et mes fonctions de Onzta, je n'ai pas forcément trouvé le temps ou la motivation pour y aller. Les manchots se sont séparés en deux groupes, le plus nombreux sur la banquise récente, visible depuis les bâtiments de la base haute ; les autres sont restés derrière l'île Jean Rostand, invisibles de la base. 

Une partie des empereurs sur la banquise, à quelques encâblures de l'île des Pétrels. De gauche à droite le mât iono, des cuves de gasoil en contrebas du dortoir été, tout à droite les bâtiments de la base haute

Vue côté glacier, avec le chaos glaciaire de l'Astrolabe, dont le front avance de 400m par an environ

L'autre manchotière, en position tortue en raison du grand froid !

Une surprise sur la banquise...

 

J'accompagne Douglas notre manchologue sur les îles Rostand et Lamarck, où il a installé ses "microbs", qui consistent en un appareil-photo dans une solidement accrochée à la roche, autonome en énergie grâce à des panneaux solaires, et qui réalisent une sorte de long timelapse depuis l'arrivée des empereurs début avril. J'avais déjà eu l'occasion de me rendre sur Rostand, avec Virgil, l'autre ornithologue, début mai. Première fois par contre sur l'île Lamarck, un peu au nord, plus proche du glacier de l'Astrolabe. Il est 14h30, le soleil est déjà couché et la lumière du crépuscule, avec ses teintes roses et bleues, éclaire encore le glacier de l'Astrolabe.

Vue entre chien et loup depuis Lamarck vers l'Astrolabe


Retour ensuite vers la manchotière, où certains oiseaux nous abordent prudemment, curieux de ces individus qui les scrutent à une distance de 40 mètres. Dans ces cas-là, la règle est de ne pas les déranger, mais ne pas fuir pour autant, ce qui serait facteur de stress pour les oiseaux.
En voilà quatre, dont une femelle, qui essaient de communiquer.. Peine perdue, on ne comprend pas le manchot !



Le 4 juillet retour à la manchotière et tour de l'île Claude Bernard avec Tony, en passant au plus près possible de la limite de la Z2 pour évoluer parmi les imposants blocs de glace.


 

Le 5 juillet est une date qui restera pour cet hivernage. Elle commence par une majestueuse aurore, visible jusqu'à 8h du matin ; et c'est durant cette journée bien froide, où la température n'a pas dépassé -22,9°C, qu'a éclos le premier poussin empereur, soit 64 jours après l'observation du premier œuf, le 2 mai. Ce n'est que le surlendemain que j'ai pu aller tenter de le voir, enfin plutôt, écouter ! Le poussin était invisible, cependant par moments audible, sous forme de petits piaillements.

Un poussin se cache dans cette tortue (niveau expert).. ainsi qu'un ornitho sur la photo (niveau facile)

 

Visite de la manchotière, le mur de neige menace mais ne déferle pas encore...




Un peu plus tard, à DDU...




La température s'est nettement radoucie depuis samedi, jusqu'à -5,6°C aujourd'hui, et pour la première fois de l'année, la pression atmosphérique a atteint 1015 hPa. La Terre Adélie comme tout le littoral antarctique est situé dans un corridor de basses pressions. La situation a changé ces derniers jours, l'anticyclone centré sur la Tasmanie à 1035 hPa s'est étiré jusqu'ici, sous forme d'une vaste dorsale axée à l'ouest de la Terre Adélie, tandis qu'une dépression s'est creusée vers 935hPa, loin vers l'est. Deux conséquences, l'orientation et l'accélération du flux au secteur Sud à tous niveaux, plutôt Sud-Est près du sol, et Sud-Ouest vers 3000m, et un important redoux de la masse d'air : l'air froid qui stagnait au-dessus du continent pendant toute la période plutôt calme, se fait chasser par le catabatique et aspirer autour de la dépression, bien au sud de la Nouvelle-Zélande.

Depuis trois jours, on vit donc au rythme du catabatique, particulièrement turbulent, qui a atteint jusqu'à 126 km/h de vent moyen (l'équivalent d'un ouragan de catégorie 1) et 183 km/h en rafales, au cours d'un phénomène bien particulier, expliqué dans un prochain article !

On se quitte avec le traditionnel tableau climatologique et une (énième!) photo de coucher de soleil... La lumière commence à regagner du terrain, les couleurs sur la photo sont un peu plus chaudes que pour les précédents couchers de soleil !

Sinon, que pensez-vous de l'émission "Un été en Antarctique",  diffusée sur France Culture actuellement ?

Coucher de soleil du 8 juillet


TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-9,3°C
-31,8°C le 06/06
6,4°C le 18/12
34,4km/h
137,2 km/h le 07/04
196,2 km/h le 07/04
1083,8 h



















Commentaires

  1. Bien sur , j écoute France culture tous les jours pour mieux comprendre l'Antarctique ou mon fils doit partir en novembre ... passionnant !!! . Vos photos sont superbes et les commentaires intéressants pour découvrir la vie en terre Adélie .

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    1. Bonjour, merci pour votre commentaire ! Votre fils est un futur hivernant ?

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    2. Non il ne fera que la saison d été .de novembre à février .

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