A trois semaines du départ

En Antarctique, pas de pronostic ! 

Voilà une maxime que l'on entend très régulièrement ici, et dont a pu vérifier la pertinence ces dernières semaines. Dans ce continent hostile, la logistique est incertaine, contrainte par l'éloignement du reste du monde, et des conditions météo bien particulières.. La nouvelle de l'avarie de l'Astrolabe a été un coup dur pour beaucoup de monde, mais l'IPEV fait tout son possible pour qu'il y ait le moins d'impact pour la poursuite des travaux scientifiques, à Concordia comme DDU.

Ainsi, en attendant que l'Astrolabe soit réparé en cale sèche à Perth, c'est le brise-glaces australien Aurora Australis qui va assurer la première rotation. Après un passage sur l'île australienne de Macquarie, il devrait être à DDU entre le 8 et le 14 décembre, avec à son bord le plus possible de campagnards d'été, et tous les hivernants de la TA70 qui ne sont pas encore en Antarctique.

Au retour, il ramènera la plupart des hivernants sortants, dont je ferai partie.

Le calendrier devrait évoluer à la marge, et sauf déconvenue supplémentaire majeure, je devrais être à Hobart avant Noël.

A l'arrivée de l'Aurora Australis, j'aurai passé une année entière dans cet endroit, à un jour près.

Mon état d'esprit a évidemment radicalement changé depuis. A l'excitation, voire exaltation des débuts, a succédé pendant la première moitié d'hivernage, un sentiment de confort et de bonheur dans une sorte de routine bien agréable, ponctuée de moments forts, de souvenirs impérissables, et quelques moments de fatigue et de lassitude. 

La fin de l'hivernage et le début de la campagne d'été, et tous les événements liés, la plupart négatifs, a généré aussi un peu de découragement.

Cet état d'esprit un peu désabusé s'est un peu atténué cette semaine, pendant laquelle j'ai pu m'extirper de la base pour participer à des manips scientifiques, mardi 19 novembre pour des poses de balises sur des phoques de Weddell,  et hier samedi 23 novembre, sur les poussins empereur. Au programme, transpondage, mesure de la longueur du bec et des ailerons, pesée, prise de sang, sur une quarantaine de poussins qui pèsent désormais une vingtaine de kilogrammes !

Une belle journée, au soleil et sans vent, et une bonne ambiance de travail parmi les manipeurs, les 4 hivernants de BioMar, Douglas et Virgil de "ma" TA69, Susie et Alexis leur relève, Mervyn, Christian alias "le vosgien", un ancien hivernant de la TA38 et campagnard récurrent à DDU et Concordia aux multiples anecdotes, et moi pour leur donner un coup de main.

Pendant les trois prochaines semaines, dont une particulièrement trépidante, consacrée à la passation, j'espère pouvoir donner encore des coups de main pour ce genre de manip, profiter des longues soirées d'été où il fait encore jour à minuit, des gens que j'apprécie, de la faune, du paysage et des lumières qui font le charme envoûtant de l'endroit !

Malheureusement, je ne pourrai capturer ces souvenirs en photo, puisque mon appareil est tombé en panne. J'ai bien l'aide du technicien radio pour essayer de résoudre cette panne, mais en ce moment il aide à la cuisine et c'est grâce à lui qu'on a du pain tous les jours, en attendant l'arrivée de la boulangère de la TA70, toujours en attente d'arrivée à Mario Zucchelli...

Beaucoup de travail dans les prochains jours, des tâches administratives chronophages et pas forcément passionnantes, et donc plus forcément le temps ni la motivation d'alimenter ce blog qui d'ailleurs exige une bonne connexion Internet, ce qui est moins le cas en campagne d'été qu'en hiver.

C'est donc peut-être le dernier article de ce blog. Je ne suis pas très doué pour les adieux et je ne voudrais pas me forcer à rédiger un billet la veille de mon départ. J'aurais d'autres priorités, je préfèrerai sans doute focaliser ces derniers moments vers la communauté si particulière de DDU, tellement attachante. Comme le disent les anciens hivernants de manière pudique, c'est un peu une partie de soi qu'on laisse en Terre Adélie quand on la quitte...

Il sera peut-être temps, ultérieurement, de faire un bilan de cette expérience, tâche plus simple à faire avec le recul, après une période de vacances bien méritées et avant de passer à autre chose.

Merci à tous de m'avoir fidèlement suivi : 25000 pages vues en un an, c'est énorme ! Famille, amis, proches, anciens collègues, anciens ou futurs "adéliens", anonymes férus de chroniques polaires, j'espère que mes chroniques vous auront plu, autant que j'ai pris plaisir à les rédiger.