Une campagne d'été pas comme les autres

Pas besoin d'être un cadre de l'IPEV ou un contractuel habitué des campagnes d'été à DDU pour arriver à ce constat. Déjà, elle n'a rien à voir avec celle que j'ai vécue l'été dernier à partir de R1, qui était "normale".

De nombreuses péripéties ont jalonné les trois dernières semaines, après une toute fin d'hivernage déjà effectuée dans une ambiance plus tendue.

Au premier rang d'entre elles, l'incertitude sur notre date de retour !
En effet, suite à une avarie, l'Astrolabe n'a pas pu partir de Hobart le 14 novembre dernier. Alors qu'il pourrait déjà se situer dans le "pack" à proximité de DDU à l'heure actuelle, voire visible à l'œil nu de la base, il va finalement rester quelques semaines supplémentaires en Australie, afin de subir une réparation en cale sèche.

Le programme de la campagne d'été est bien évidemment chamboulé, et la science, la raison d'être de la présence française en Antarctique, risque d'être quelque peu sacrifiée, puisque nombre de campagnards, notamment biologistes et ornithologues, devaient arriver avec R0.

Pas de courrier, colis, vivres frais dans l'immédiat, ni le matériel professionnel commandé, qui aurait été bien utile pour préparer sereinement la relève avec l'équipe météo de la TA70.

Une incertitude aussi concernant la date de retour, puisqu'on ne sait pas encore à l'heure actuelle à quel moment s'effectueront les prochaines rotations. La priorité pour l'IPEV, c'est de faire sortir les actuels hivernants et entrer les nouveaux, évidemment, et d'un point de vue logistique, garantir le bon approvisionnement en fioul et matériel divers pour DDU et surtout Concordia (via le Raid) pour leur hivernage.

Plus que jamais, la base franco-italienne sur le Dôme C revêt une importance stratégique majeure, à l'heure où se poursuit le projet "Beyond EPICA", qui a pour but d'effectuer des forages sur les glaces les plus anciennes du continent, afin de mieux comprendre l'évolution des cycles climatiques depuis plus d'un million d'années.

C'est dans ce contexte que pour la première fois, une ministre en exercice est venue en Antarctique ! Frédérique Vidal; Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche a ainsi effectué le long trajet jusque Dôme C, via Christchurch en Nouvelle-Zélande et la base américaine de MacMurdo.

Elle était accompagnée de Antoine Petit, directeur du CNRS, et de Jérôme Chappellaz, directeur de l'IPEV, qui a d'ailleurs récemment alerté à l'Assemblée Nationale sur la faiblesse chronique des moyens mis à disposition pour la recherche polaire française. Je vous invite à consulter cet article, qui retranscrit bien les différents enjeux. 

Nous attendions également la ministre à DDU, mais en raison d'une panne sur un avion, la visite a été annulée, et là voilà désormais rentrée en France, via la base italienne Mario Zucchelli, à 2000km à l'est d'ici, dans la baie de Terra Nova.

Pour l'instant, seuls les avions peuvent nous amener passager et un peu de fret... Dans les prochains jours, on va avoir droit à un nouvel "arrivage", composé notamment de deux futurs hivernants.
Au retour, le Twin Otter décollera avec des hivernants de la TA69 qui pour raisons personnelles, professionnelles ou familiales, abrègent leur mission, et nous serons plus que 18 de la TA69, sur un effectif total de 44 sur base.

Parmi les nouveaux, il y a donc des permanents de l'IPEV, des campagnards d'été, mais aussi de futurs hivernants, au nombre de 4 pour l'instant. Si l'un d'entre eux, le chef technique, est un hivernant multi-récidiviste à DDU, les trois autres vivent leur première expérience dans les TAAF : le cuisinier et les deux ornithos.

Depuis trois semaines, je n'ai guère eu le temps de profiter de l'environnement, en dehors d'une longue promenade autour de l'île le 1er novembre, dernier jour complet de l'hivernage, et d'une sortie un soir à proximité du chaos laissé par le travail du front du glacier de l'Astrolabe sur la banquise.

Une partie de la manchotière, le 1er novembre

Paysage typique en ce moment, une mare de fonte, ici à proximité de l'île Lamarck, qui regèle en surface et forme un sorbet opaque

Ciel typique visible en milieu de soirée, alors que le crépuscule s'éternise à l'horizon sud

J'ai pu souffler un peu hier et participer à une manip phoques avec les "phoquiers" arrivés avec le deuxième avion. L'occasion de prendre l'air et penser à autre chose, et passer une journée agréable sur banquise en compagnie de Charles, Jean un campagnard d'été, et Karine et Joris les biologistes qui menaient la manip.

Les conditions de banquise ont bien changé ces dernières semaines, avec l'arrivée brutale d'un temps estival ! Du 2 au 9 novembre, le temps était très ensoleillé, et de plus en plus doux. De jour en jour, le thermomètre s'approchait du 0°C, et finalement, le dégel a eu lieu le samedi 9 !
Du 10 au 17 novembre, le temps est resté très gris, relativement venté, parfois neigeux, mais surtout exceptionnellement doux jusqu'au 17 ! Pendant 8 jours, la température est restée au-dessus de -5°C, série inédite à cette période de l'année, et avec de nombreux records quotidiens de douceur à la clé. Depuis, la météo s'est rapprochée de la normalité, avec un temps un peu plus froid et ensoleillé..





Conséquence, l'état de la banquise se dégrade lentement avec la présence de mares de fonte, qui accélèrent aussi, de par leur couleur bleue plus sombre que la glace, le réchauffement en surface et donc la dégradation et l'amincissement de la banquise. L'épaisseur de celle-ci reste toutefois largement suffisante, puisqu'elle avoisine encore 1m40.

Dans ce contexte décidément riche en émotions, j'ai aussi appris qu'à l'issue de ma mission, j'étais muté à Briançon, en tant que prévisionniste conseil nivologue. C'était mon voeu n°1, donc j'en suis soulagé. J'ai privilégié un retour dans un petit centre proche du terrain, pour effectuer des tâches nouvelles pour moi, la prévision du risque d'avalanches, un sujet intéressant !

Un dernier revirement est toujours possible, tel que l'utilisation d'un brise-glace étranger, l'Aurora Australis par exemple. Il est acquis qu'il n'y aura pas de rotation de l'Astrolabe avant le mois de janvier, mais il n'est pas du tout certain que je reparte avec le même bateau avec lequel j'étais arrivé à l'aller... A suivre !

On termine avec le tableau climatologique résumé, et la température moyenne qui entame une lente remontée..

TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-10,9°C
-31,8°C le 05/06
6,4°C le 18/12
33,8 km/h
142,6 km/h le 31/07
200,8 km/h le 01/08
1783,2h









Commentaires


  1. Je pense que l IPEV fait tout son possible pour qu" une solution soit mise en place pour le ravitaillement et l arrivée et le départ des campagnards,,alors courage et patience à vous tous
    Devise de Ro MGS ,actuellement à DDU : en antarctique .....pas de pronostique !

    RépondreSupprimer
  2. Comme dit Joëlle : "en Antarctique ...pas de pronostique !" Mais il est vrai que là c'est un peu spécial quand même, j'ai appris la nouvelle il y a une semaine. Et sinon bon choix pour Briançon !! ;)

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

articles les plus consultés

Épilogue

Etape à Hobart