Ambiance blanche

Mardi 5 février, après une matinée radieuse et une douceur faisant passer la température au-dessus de 0°C  pendant quelques heures en début d'après-midi, le ciel s'est couvert l'après-midi, puis la neige a commencé à tomber en soirée, avec un fort vent d'est, atteignant 112 km/h en rafales. Rien de très violent, par contre la chute de neige était de loin la plus forte depuis mon arrivée : on n'y voyait pas à 100 mètres et le paysage blanchissait à vue d’œil.
La neige a continué de tomber toute la journée du mercredi, avec un vent en atténuation.
Il a fallu dégager rapidement certaines passerelles, ensevelies sous des congères de près d'un mètre, parfois 2 mètres tant que la neige n'était pas trop durcie. Ces congères se forment
aux endroits où le vent est plus faible, facilitant le dépôt de la neige précipitante, ainsi que celle
transportée. Difficile de mesurer la neige sur une surface représentative, les épaisseurs sont très hétérogènes !
Pendant ce temps, les manchots restaient impassibles. La neige accroche aux poussins, qui terminent bientôt leur mue, mais pas aux adultes !
Manchots sous la neige
La journée avait été décrété "off" pour les personnels techniques en raison des mauvaises conditions annoncées. Beaucoup étaient circonspects à propos de cette dégradation mardi midi, alors que le ciel était encore bleu et le vent calme.
Une telle accumulation de neige est due à l'arrivée très rapide d'une masse d'air chaud en altitude ; plus la température d'une parcelle d'air est élevée, plus elle peut contenir d'eau liquide.
Comme tout le profil vertical est à température négative, tout tombe sous forme de neige. Celle-ci, en raison de l'advection douce, se forme à des températures relativement élevées (-10 à -12°C), des niveaux où il y a encore beaucoup d'eau en surfusion (eau liquide à température négative) dans l'atmosphère. Cette neige est donc humide, voire collante, avec une densité relativement importante pour ici, un peu comme celle qui tombe en moyenne montagne en France, plus rarement en plaine. On ne mesure pas les quantités de précipitation, mais je pense qu'il est tombé l'équivalent
de 15 à 20 mm d'eau, soit 15 à 20 kg par m², ce qui fait en moyenne 30/40 cm de neige fraîche compte tenu de sa densité, épaisseur à peu près confirmée par la manip' terrain du lendemain !

Avant : 5 février, 11h


Après : 6 février, 11h

"Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière"

Le soir, la pénombre est désormais importante. Les passerelles sont éclairées par une longue guirlande. L'ambiance avec la neige fraîche, la visibilité bien meilleure et le vent calme, était assez particulière !
Ambiance cosy à DDU
Aujourd'hui, j'avais l'après-midi libre et je me suis joint aux biologistes marins du programme 109 qui étudient les phoques de Weddell.
Nous sommes donc descendus en raquettes dans la neige fraîche, de Biomar vers la banquise bien enneigée située entre l'île des Pétrels et le continent. Une demi-douzaine de phoques s'y reposaient.
Le but était d'en équiper deux de balises océanographiques, qui enregistrent pendant leurs plongées profondes les paramètres de température, salinité, fluorescence...lesquelles sont ensuite envoyées par satellite quand l'animal reparaît à la surface.
Des données importantes pour connaître indirectement le contenu en chaleur des océans qui est d'une grande importance pour océanographes et climatologues.

Seulement, un phoque de Weddell n'a pas vraiment le même gabarit qu'un manchot Adélie ! On doit être 5 pour immobiliser  l'animal, lui injecter un tranquillisant puis un anesthésiant, avant de lui coller la balise sur le front. Les biologistes en profitent pour peser l'animal et le mesurer.
Le plus gros des deux faisait 2m47 de long pour 349 kg ! Une part importante est constituée de graisses qui servent à l'isoler du froid.

Devinez lequel des deux pèse 349 kg

Autant je me doutais qu'avec la grande population de manchots sur l'île, j'allais souvent en 'maniper', autant je ne m'attendais pas à faire le même genre de sorties terrain avec des phoques.
En attendant que la colle prenne, je pouvais toucher l'animal, entendre sa respiration régulière et bruyante, sentir battre son cœur et la chaleur de sa fourrure exposée au soleil. Inédit !


Désolés de te déranger pendant ta sieste !

La manip' terminée, ce phoque de Weddell femelle peut reprendre une activité normale


J'ai également eu l'opportunité de participer au baguage d'un poussin skua, oiseau également emblématique de DDU, rapace palmé antarctique, qui se nourrit essentiellement des œufs et des poussins des manchots Adélie.

Baguage du poussin skua
Je profite à fond de cette fin d'été, notamment de cette fenêtre de trois jours bien ensoleillée et peu ventée en journée, entre la grosse chute de neige et un nouveau coup de vent catabatique ce week-end.
J'aime beaucoup cette ambiance blanche, douce et feutrée, qui étouffe les sons et adoucit le relief. Elle donne aussi un éclat supplémentaire à cet endroit déjà somptueux. On dit que la musique adoucit les mœurs, mais c'est probablement aussi le cas pour l'apparition d'un tel manteau blanc immaculé qui fait retrouver à chacun une âme d'enfant.

Voici le tableau mis à jour au 7 février : mon record de froid à DDU (tnn) est en train d'être battu à l'heure même de rédaction de ce blog : -7°C, avec un fort catabatique nocturne, le ressenti 
est piquant!


TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-1,5°C
-7,6°C le 03/02
6,4°C le 18/12
29,0 km/h
117,7 km/h le 29/01
165,2 km/h le 29/01
677,1 h


7 février, 21h23: coucher de soleil, mer d'huile, le catabatique n'est pas encore levé...

Un jour, je me pencherai sur l'architecture de mon blog pour y inclure un onglet avec mon adresse perso.. En attendant, comme je sais qu'il y en a qui oublient, pour me contacter c'est : gheymes@ddu.ipev.fr, je ne consulte les autres qu'exceptionnellement.


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