R3 Out
Les adieux aux derniers hivernants de la TA68 et aux campagnards d'éte à R3 out |
La semaine dernière a été rythmée par l'avant-dernière rotation de l'Astrolabe, R3.
Une période clé, pendant laquelle une bonne partie des campagnards d'été de DDU et de Robert Guillard repart.
Une trentaine de passagers a appareillé ce dimanche après-midi, sous le soleil et un vent froid, et la population de la base, qui avait atteint 72 personnes pendant R3, a presque été divisée par deux ! Le séjour est un peu plus vide, les repas moins bruyants. On distinguait encore la coque rouge de l'Astrolabe à l'horizon nord-ouest trois heures après son départ de l'Anse du Lion, se frayant un chemin dans le pack.
Il repart avec des personnes que j'ai côtoyé pour certains depuis mon propre départ de Roissy, il y a neuf semaines. Des pointures dans leur domaine scientifique, des jeunes recrutés par l'IPEV, scientifiques, techniciens polyvalents ou spécialisés, qui viennent ou reviennent à DDU aussi pour l'aspect humain, cette cohésion de groupe qui se construit lentement mais sûrement. Même pour quelques semaines d'été avec une population plus nombreuse et des conditions extérieures moins dures, il y a ici un évident isolement par rapport au reste du monde, ce qui favorise rapidement le
sentiment d'appartenance à un groupe social, ce qui crée des liens forts.
Les derniers hivernants de la TA68, à savoir les deux ornithos, le doc, le chef technique, le chaudronnier et l'électricien, sont également partis, après 12 à 15 mois sur place.
En dehors des futurs hivernants, il reste une poignée de campagnards d'été scientifiques à DDU (glaciologue, techniciens pour le LIDAR, biologistes marins pour un programme sur les phoques de Weddell), le pilote d'hélico et le mécanicien, et le personnel technique et logistique arrivé à R0.
L'hivernage, le vrai, débutera à R4 out, quand tout ce beau monde, ainsi que les derniers occupants de la base à Cap Prud'homme avec le dernier convoi du Raid, repartira. Soit dans trois semaines.
La semaine de rotation R3 qui est passée tellement vite, comme les précédentes !
Le bateau est arrivé samedi 27 janvier au soir avec une demi-douzaine de passagers dont deux "VIP":
la préfète administratrice des TAAF, Evelyne Decorps, ainsi que le directeur de l'IPEV, Jérôme Chapellaz.
Les TAAF et l'IPEV sont deux entités bien distinctes : les Terres Australes et Antarctiques Françaises sont une administration dépendant du ministère de l'Outre-Mer, et dont le siège est à Saint-Pierre à la Réunion. Les TAAF administrent une partie de la France dépourvue d'habitants, mais d'une grande importance géopolitique ou économique :
- les Terres Australes : archipels de Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam (Cro, Ker et Ams dans le jargon taafien) situées au sud de l'Océan Indien
- les îles Eparses : Tromelin, Bassas da India, Glorieuses, Juan de Nova, Europa, minuscules atolls inhabités autour de Madagascar
- et enfin la Terre Adélie, petite portion de l'Antarctique située entre les méridiens 136 et 142 Est, et où se situe DDU.
La Terre Adélie, ce n'est pas la France, dans la mesure où les revendications territoriales sont gelées depuis la mise en place du Traité de l'Antarctique, en 1959.
Les autres territoires administrés par les TAAF sont des possessions françaises. Ces îles et atolls extrêmement isolés permettent à la France de jouir d'une importante zone économique exclusive, dans des eaux très poissonneuses qui ont récemment été distinguées en tant que réserve naturelle, autour de Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam.
Les autres territoires administrés par les TAAF sont des possessions françaises. Ces îles et atolls extrêmement isolés permettent à la France de jouir d'une importante zone économique exclusive, dans des eaux très poissonneuses qui ont récemment été distinguées en tant que réserve naturelle, autour de Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam.
Les TAAF emploient quatre des 23 hivernants : le DISTA, chef de district de la Terre Adélie, la médecin, le gérant postal et le technicien télécoms.
L'IPEV, Institut Polaire Français Paul-Emile Victor, du nom de l'illustre explorateur français du siècle dernier, est un organisme dont le siège est à Plouzané dans le Finistère. Il a pour mission, entre autres, de piloter la recherche scientifique effectuée sur les bases de l'Antarctique et des îles australes.
Par convention, l'IPEV gère également toute la logistique polaire à DDU, par délégation des TAAF, qui s'en occupe dans les bases australes de Cro, Ker et Ams.
L'IPEV emploie 16 des hivernants : scientifiques et techniques sous le statut de VSC (volontaire en service civique), ainsi que l'électronicien, le chef centrale, le chef technique et le cuisinier.
Et pour arriver à 23, il reste les trois "météos", dont je fais partie, directement recruté en interne par Météo-France, sous réserve d'une aptitude médicale et psychologique délivrée par les TAAF, qui dispose d'une antenne à Paris.
Pour l'anecdote, lorsque j'y avais passé ces tests fin novembre 2017, j'avais croisé le chaudronnier hivernant de la TA68, arrivé à R4 et reparti hier !
Nos deux "VIP" qui ont récemment pris leurs fonctions, ont eu droit à une visite de l'ensemble de la base, avec des excursions à Cap Prud'homme, Port Martin, ainsi que sur le Rocher du Débarquement, où l'expédition de Dumont d'Urville posa pied le 21 janvier 1840. Ils sont passés au bureau de la météo le lundi matin.
Je leur ai expliqué la technique du radiosondage, à l'occasion du lâcher du ballon.
Un lancer un peu "musclé", par 40 noeuds (75 km/h) , et une neige faible. Le vent se renforçait encore dans l'après-midi et le soir à plus de 55 noeuds, pendant le buffet en l'honneur de nos deux VIP.
C'est le lendemain matin que la tempête catabatique atteignit son apogée : force 11 Beaufort,"violente tempête" : 110 km/h de vent moyen, avec des rafales à 165. A cette vitesse, il est quasi-impossible de marcher sans s'aider des rambardes métalliques des passerelles, et encore plus d'envoyer un ballon !
Après consultation des archives climatologiques, une telle valeur est assez rare en janvier : il faut remonter 22 ans en arrière pour une rafale plus forte. Le record pour un mois de janvier, 187 km/h, date de 1988.
Le spectacle de mardi matin, alors que le vent restait à plus de 100 km/h en moyenne avec des rafales fréquemment supérieures à 150, était incroyable : le vent, venant de la terre, générait une forte mer du vent, avec de courtes vagues striées d'embruns, qui réduisaient la visibilité. La hausse du plafond puis le retour du soleil ont permis la formation de fugaces arcs-en-mer.
Le reste de la semaine, le vent était moins fort, mais le temps pas franchement beau, avec quelques chutes de neige, la température poursuivant son lent déclin de fin d'été.
Dimanche matin, nouveau record personnel à DDU avec -7.6°C sous abri et -16 en ressenti en raison du catabatique soufflant jusqu'à 55km/h en moyenne et 90 en rafales.
Ce changement bien perceptible, ainsi que le départ de R3 et l'aperçu des premières étoiles cette semaine, plus Vénus et Jupiter, sont des jalons importants avant l'hiver...
D'ici quelques jours à quelques semaines, les premiers -10°C sous abri, puis les prémices de l'embâcle de la mer, les premières aurores, australes, le départ des manchots Adélie, l'arrivée des premiers Empereur, avant la nuit noire et l'embâcle généralisée de la mer entourant l'archipel !
Un gros épisode neigeux s'annonce pour la nuit de mardi à mercredi, avec un vent toutefois moins violent que mardi dernier.
Pour la première fois depuis une dizaine d'années, un éléphant de mer s'est aventuré sur l'île des Pétrels. Ce mammifère marin pinnipède vit habituellement dans les îles subantarctiques, comme celle de Macquarie, possession australienne à mi-chemin entre Hobart et DDU.
Cette femelle juvénile, reconnaissable par son museau (les mâles développent un imposant nez en forme de trompe, d'où le nom vernaculaire de l'animal) était d'après les biologistes marins, en quête de nouveaux territoires ! Elle aura fait un long chemin pour venir ici, pour rapidement repartir...
Nouvelle manip' ornitho cette semaine, cette fois dans la colonie d'étude Antavia sur l'île des Pétrels. Le but : transponder les poussins dont l'état de mue est le plus avancé. Bientôt, leurs parents ne les nourriront plus, et ils devront partir en mer ! Une grande partie reviendra dans la colonie d'origine pour s'y reproduire.
Toujours aussi heureux de pouvoir vivre cette expérience, j'ai toujours aussi hâte d'entrer pleinement dans l'hiver !
Pour terminer, le tableau climatologique mis à jour au 3 février, et en cadeau, le coucher de soleil hier soir, qui se produit désormais vers 21h30.
Une récente panne informatique nous a empêché de recevoir et envoyer les mails via le serveur de messagerie de l'IPEV. C'est désormais réglé, et vous pouvez m'en envoyer à mon adresse gheymes@ddu.ipev.fr
Je serai heureux d'y répondre !
Par convention, l'IPEV gère également toute la logistique polaire à DDU, par délégation des TAAF, qui s'en occupe dans les bases australes de Cro, Ker et Ams.
L'IPEV emploie 16 des hivernants : scientifiques et techniques sous le statut de VSC (volontaire en service civique), ainsi que l'électronicien, le chef centrale, le chef technique et le cuisinier.
Et pour arriver à 23, il reste les trois "météos", dont je fais partie, directement recruté en interne par Météo-France, sous réserve d'une aptitude médicale et psychologique délivrée par les TAAF, qui dispose d'une antenne à Paris.
Pour l'anecdote, lorsque j'y avais passé ces tests fin novembre 2017, j'avais croisé le chaudronnier hivernant de la TA68, arrivé à R4 et reparti hier !
Nos deux "VIP" qui ont récemment pris leurs fonctions, ont eu droit à une visite de l'ensemble de la base, avec des excursions à Cap Prud'homme, Port Martin, ainsi que sur le Rocher du Débarquement, où l'expédition de Dumont d'Urville posa pied le 21 janvier 1840. Ils sont passés au bureau de la météo le lundi matin.
Je leur ai expliqué la technique du radiosondage, à l'occasion du lâcher du ballon.
Un lancer un peu "musclé", par 40 noeuds (75 km/h) , et une neige faible. Le vent se renforçait encore dans l'après-midi et le soir à plus de 55 noeuds, pendant le buffet en l'honneur de nos deux VIP.
C'est le lendemain matin que la tempête catabatique atteignit son apogée : force 11 Beaufort,"violente tempête" : 110 km/h de vent moyen, avec des rafales à 165. A cette vitesse, il est quasi-impossible de marcher sans s'aider des rambardes métalliques des passerelles, et encore plus d'envoyer un ballon !
Après consultation des archives climatologiques, une telle valeur est assez rare en janvier : il faut remonter 22 ans en arrière pour une rafale plus forte. Le record pour un mois de janvier, 187 km/h, date de 1988.
Le spectacle de mardi matin, alors que le vent restait à plus de 100 km/h en moyenne avec des rafales fréquemment supérieures à 150, était incroyable : le vent, venant de la terre, générait une forte mer du vent, avec de courtes vagues striées d'embruns, qui réduisaient la visibilité. La hausse du plafond puis le retour du soleil ont permis la formation de fugaces arcs-en-mer.
Le reste de la semaine, le vent était moins fort, mais le temps pas franchement beau, avec quelques chutes de neige, la température poursuivant son lent déclin de fin d'été.
Dimanche matin, nouveau record personnel à DDU avec -7.6°C sous abri et -16 en ressenti en raison du catabatique soufflant jusqu'à 55km/h en moyenne et 90 en rafales.
Ce changement bien perceptible, ainsi que le départ de R3 et l'aperçu des premières étoiles cette semaine, plus Vénus et Jupiter, sont des jalons importants avant l'hiver...
D'ici quelques jours à quelques semaines, les premiers -10°C sous abri, puis les prémices de l'embâcle de la mer, les premières aurores, australes, le départ des manchots Adélie, l'arrivée des premiers Empereur, avant la nuit noire et l'embâcle généralisée de la mer entourant l'archipel !
Un gros épisode neigeux s'annonce pour la nuit de mardi à mercredi, avec un vent toutefois moins violent que mardi dernier.
Pour la première fois depuis une dizaine d'années, un éléphant de mer s'est aventuré sur l'île des Pétrels. Ce mammifère marin pinnipède vit habituellement dans les îles subantarctiques, comme celle de Macquarie, possession australienne à mi-chemin entre Hobart et DDU.
Cette femelle juvénile, reconnaissable par son museau (les mâles développent un imposant nez en forme de trompe, d'où le nom vernaculaire de l'animal) était d'après les biologistes marins, en quête de nouveaux territoires ! Elle aura fait un long chemin pour venir ici, pour rapidement repartir...
Rencontre assez rare entre un éléphant de mer et un manchot Adélie ! |
Nouvelle manip' ornitho cette semaine, cette fois dans la colonie d'étude Antavia sur l'île des Pétrels. Le but : transponder les poussins dont l'état de mue est le plus avancé. Bientôt, leurs parents ne les nourriront plus, et ils devront partir en mer ! Une grande partie reviendra dans la colonie d'origine pour s'y reproduire.
Manip' transpondage de poussins Adélie à Antavia. Au fond, le bout de la piste du Lion, le rocher Bernard et le glacier de l'Astrolabe |
Mer agitée créée par le violent vent de terre, vue vers les îlots de l'archipel Pointe Géologie, au fond l'île Gouverneur et le Cap Géodésie où j'étais en manip' le 15 janvier |
Différents stades de la mue des poussins Adélie de la colonie Antavia |
" Mais où ai-je la tête ? " |
Pour terminer, le tableau climatologique mis à jour au 3 février, et en cadeau, le coucher de soleil hier soir, qui se produit désormais vers 21h30.
TM
|
TNN
|
TXX
|
FFM
|
FXY
|
FXI
|
INSOL
|
-1,5°C
|
-7,6°C le 03/02
|
6,4°C le 18/12
|
29,2 km/h
|
117,7 km/h le 29/01
|
165,2 km/h le 29/01
|
653,3 h
|
Une récente panne informatique nous a empêché de recevoir et envoyer les mails via le serveur de messagerie de l'IPEV. C'est désormais réglé, et vous pouvez m'en envoyer à mon adresse gheymes@ddu.ipev.fr
Je serai heureux d'y répondre !
Coucher de soleil le 3 février |
Ravi de pouvoir te (re)lire Gaétan, j'avais perdu le lien mais Xavier me l'a passé de nouveau. Les photos sont top ! Demain je reprend la lecture depuis ton arrivée. A très vite ;-)
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