Quart de nuit à la centrale


La centrale est le bâtiment le plus vital sur base, puisqu'il assure la production d'eau et d'électricité pour toute la base, été comme hiver.


Le bâtiment de la centrale, en hiver. Photo prise le 11 juin, pendant un violent épisode catabatique, avec formation d'altocumulus lenticulaires. Les bâtiment à droite est le "+4", c'est ici que se trouve le GE de secours



L'électricité est produite par des groupes électrogènes (GE), moteur diesel couplé. Un alternateur permet de produire jusqu'à 140kW de puissance par GE pour une tension constante de 400V et avec une fréquence de 50Hz. En général, 1 GE est suffisant pour alimenter toute la base. Durant la campagne dʼété, certains travaux nécessitent plus dʼénergie et donc le démarrage dʼun deuxième GE.

On dispose également d'un GE de secours, situé sur un autre bâtiment de la base, en cas de grave problème sur les 3 GE à la centrale.

Les trois générateurs électriques Caterpillar

L'eau douce est produite pour la base à l'aide d'un bouilleur : 4000 L par jour !
L'eau est acheminée depuis la SPEM (station de pompage de l'eau de mer) jusqu'à la centrale puis portée à ébullition et recondensée pour obtenir de lʼeau distillée qui est ensuite reminéralisée. Il est aussi possible de produire par osmose inverse lorsque les besoins en eau sont plus conséquents, l'été.  Le passage de lʼeau de mer est forcé dans une membrane, le sel reste dʼun côté et lʼeau douce traverse.

L'eau est stockée dans trois cuves de 15 mètres cube, dont deux sont spécifiquement réservées à la lutte contre un éventuel incendie.
Tous les bâtiments ne sont pas alimentés en eau douce : seulement le séjour, le dortoir, et les labos Géophy et BioMar. Afin d'éviter le gel des canalisations, la saumure résiduelle produite par le bouilleur permet de les réchauffer. La saumure (SAU) sort de la centrale à 30°C environ et retourne au niveau de la mer à 7°C.


Le bouilleur


 








 C'est aussi ici que sont reliées toutes les alarmes : incendie, électrique, température des différents bâtiments.
Cela nécessite une surveillance continue des installations. Pour cela, l'équipe technique composée de 8 hivernants (responsable technique, chef centrale, second centrale, électrotechnicien, plombier-chauffagiste, mécanicien engins, menuisier et mécanicien de précision) effectue des quarts, de 6h30 à 20h en journée, et de 20h à 6h30 la nuit. En pratique, le chef centrale et son second assurent la présence à la centrale lors de leurs horaires de travail (8-12h et 13h30-17h du lundi au vendredi, 8-12h le samedi en hiver). En dehors, c'est la personne de quart qui doit rester à la centrale, ou au séjour où un déport des alarmes peut être activé, notamment pendant les horaires de repas !
Pendant un quart de nuit, il faut donc rester à la centrale, et effectuer différents relevés toutes les deux heures que l'on note sur un carnet. On peutse rendre au séjour,  pour mettre la table du petit-déjeuner, préparer le café, ou faire ses lessives. Le quart de nuit fait également la veille radio et note sur un carnet les sorties des hivernants en dehors de l'île.

En hiver, il est toléré qu'un hivernant non-technique effectue le quart de nuit, soit pour rendre service à l'hivernant de quart, soit pour avoir toute la nuit pour travailler.
Ainsi, Alain notre Dista s'est souvent proposé pour remplacer des techniques qui fêtaient leur anniversaire le samedi soir où ils étaient de quart ; Nico B, l'informaticien, pour reconfigurer son réseau informatique ; ou Cédric, le technicien radio, pour effectuer la maintenance des VHF.

En ce qui me concerne, mon planning à la météo me permet de pouvoir remplacer Charles, le mécano engins. Il se trouve qu'il a eu énormément de boulot ces temps-ci, affairé au transfert des cuves de fioul entre la piste du Lion et Cap Prud'homme pour l'acheminement sur le raid, puis pour opérer le nivelage de la  piste d'avion à D10.

J'ai effectué deux quarts de nuit, le premier le 13 octobre après ma longue manip phoque, et le deuxième cette nuit. Cela laisse le temps de consulter Internet, qui marche particulièrement bien à la centrale, planifier les vacances de retour, trier ses photos... Cette nuit, j'ai réalisé des photocomptages de manchots empereur pour Douglas. Une tâche fastidieuse, avec au total près de 5000 manchots comptabilisés ! Cela permet à Douglas de gagner du temps, et à moi d'occuper ma nuit et de rendre service au passage !

Le travail de nuit ne me gêne pas particulièrement, j'y étais habitué pendant mon précédent poste de 
chef prévisionniste régional à Bordeaux. J'apprécie ce décalage, le matin, quand on croise des personnes qui entament leur journée, quand la seule qui nous reste à faire, c'est aller se coucher quand les autres se lèvent progressivement.

La centrale est un environnement très bruyant, un casque anti-bruit est indispensable lorsqu'on effectue les relevés, mais le quart de nuit m'a permis paradoxalement de profiter des derniers moments de silence absolu.
Dans la nuit du 13 au 14 octobre, j'ai pu observer un splendide lever de soleil, derrière le mur de neige qui s'élevait au-dessus du glacier de l'Astrolabe... C'était juste avant l'arrivée du premier manchot Adélie sur Pétrels, mais il y avait déjà des fulmars ou pétrels des neiges qui volaient silencieusement dans le ciel.
Dans le même temps, la pleine Lune se couchait sur l'horizon sud-ouest. Une ambiance crépusculaire tellement sereine et paisible...




Lever de soleil derrière le mur de neige, le 14 octobre. Moment de contemplation et de sérénité


Le changement, c'est très bientôt. On ne sait toujours pas avec certitude quand le premier avion atterrira pour rompre notre hivernage, une chose est sûre, cela va irréversiblement chambouler le rythme de vie sur base, l'ambiance et la quantité de travail. Au plus tard samedi, nous devrions nous retrouver à 29 sur DDU, plus 12 campagnards à Robert Guillard à Cap Prud'homme !




Commentaires

  1. bonjour j'ai hiverné en 73 75 /75 77 à l'époque la centrale était plutot rustique mais ça fonctionnait
    cordialement

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