Climat de la Terre Adélie

Comme promis, voici un article consacré au climat de la Terre Adélie !

Tout d’abord, revenons aux bases. Le climat, c’est la moyenne des conditions météorologiques (température, vent, humidité, précipitations, insolation…) qui règnent en un endroit donné. Elle est calculée sur une période suffisamment longue pour s’affranchir de sa propre variabilité interne. En pratique, 30 ans suffisent.
La base Dumont d’Urville où je vais me situer pendant un an possède un climat polaire.
En gros, il fait froid, sec et venté.
Jusqu’ici, rien d’étonnant, étant donné que je me situe au niveau du cercle polaire antarctique.
Cette limite imaginaire n’est pas la même que celle du climat dit « polaire », lequel est caractérisé par des températures estivales trop faibles pour autoriser l’existence d’arbres.
Le climat polaire prévaut dans l'intérieur du Labrador à la latitude de Londres, tandis que des secteurs situés bien au-delà du cercle polaire en Scandinavie sont classés en climat continental.

Trois facteurs principaux régissent  le climat en Terre Adélie :
  • La latitude ; si le climat est froid au niveau des pôles, c’est d’abord parce qu’il y a moins d’énergie reçue depuis le soleil
  •  Le continent antarctique ; la présence de l’immense calotte glaciaire antarctique refroidit considérablement le pôle sud, beaucoup plus froid que le pôle nord, situé lui sur un océan.La présence du continent explique aussi la présence du fameux vent catabatique que j’explique plus loin. 
  •  Le vaste océan austral  qui ceinture le continent antarctique ; il est séparé des océans indien, atlantique et pacifique par la convergence antarctique. Dans cette zone où la température de surface passe de 12 à 4°C en quelques kilomètres, il règne un brouillard quasi-permanent en raison du mélange des deux masses d'eau. Nous l’avons franchie sur l’Astrolabe vers 54° sud. Cet océan glacial refroidit inexorablement les masses d’air qui proviennent des latitudes plus tempérées. Ce faisant, l’atmosphère perd son contenu en eau par condensation et précipitation. Ainsi, les quantités de précipitation à DDU sont faibles, même si on n’arrive pas à les mesurer correctement, car elles se produisent quasi-uniquement sous forme de neige, légère et soufflée par le vent.
Comme on ne mesure pas la quantité de précipitations qui tombe à DDU, je vais m'intéresser à trois paramètres : températures, insolation (=durée d'ensoleillement), et vent.

Températures moyennes (1981/2010) et extrêmes (depuis 1956) par mois à DDU


La moyenne des températures mesurées entre 1981 et 2010 à DDU est de -10.8°C. C’est 24°C de moins que la température annuelle moyenne en France métropolitaine.
Juillet est le mois le plus froid avec -19.7°C en moyenne, et janvier le moins froid avec -0.9°C, au cœur de l’été austral. Il fait donc plus froid en été à DDU qu’en hiver en plaine en France, où la température moyenne est 1 à 8 degrés au-dessus de zéro.
La courbe annuelle est caractéristique des climats polaires, avec un court été de fin novembre à mi-février ; l’hiver dure d’avril à mi-octobre. Les saisons intermédiaires sont courtes, car la variation de la durée du jour est beaucoup plus rapide qu’aux latitudes tempérées.
En moyenne, il y a 362 jours de gel à DDU. Autrement dit,  seulement 3 jours où il ne gèle pas !
Le dégel est rarissime d’avril à octobre, et se produit plus de deux jours sur trois en décembre et janvier. Au total, 57 jours par an, la température passe au-dessus de 0°C.


Insolation mensuelle moyenne (1981/2010) et records (1956/2018) par mois à DDU


Il y a en moyenne un peu plus de 2000h d’ensoleillement par an à DDU, ce qui est équivalent à des villes comme Lyon ou Toulouse et surtout 1.5 à 2 fois plus que d’autres régions côtières  antarctiques.
DDU profite en effet d’un printemps et d’un été relativement bien ensoleillés : la belle saison est en novembre, avec 351h de soleil : autant qu’un mois de juillet provençal, les cigales en moins !
Pas de surprise, le soleil est bien plus discret entre mai et juillet où la nuit dure 18 à 22h ; en août, la lumière regagne beaucoup de terrain mais c’est un mois souvent perturbé.
Attention aux coups de soleil à DDU, on est sous le trou de la couche d’ozone qui atteint son maximum entre août et novembre. Mieux vaut se tartiner d’indice 50 dès lors qu’on sort par journée ensoleillée ; l’enneigement continu oblige également à porter des lunettes type glacier pour éviter l’ophtalmie des neiges.





Vent moyen (1981/2010) et nombre moyen de jour avec vent >60, 100 et 140 km/h à DDU

  • Rose des vents (1981/2010) de DDU

En Terre Adélie comme sur la majeure partie du littoral antarctique règne le vent catabatique, un terme d’origine grecque qui signifie « descendant la pente ». La pente, c’est celle du bord du continent antarctique, où l’altitude passe de 3000 à 0m en quelques centaines de kilomètres, avec un profil convexe.
L’air froid et dense s’écoule par gravité depuis le plateau ; comme la pente augmente le long du trajet, il accélère. En arrivant sur le littoral, il peut déferler et devient très turbulent. Un mur de neige se forme, et de part et d’autre de cette discontinuité, le vent peut varier du calme plat à la violence d’un ouragan, avec des rafales atteignant 150 à 200 km/h. Il s’agit du phénomène de Loewe.
Le vent catabatique vient de l’est-sud-est , et la rose des vents à DDU illustre la prédominance des vents dans cette direction.
En été, lors des journées calmes et ensoleillées, la répartition des sources de chaleur s’inverse : la couche « limite »océanique devient plus froide que celle au-dessus de la glace. La circulation devient anabatique (l’opposé de catabatique), et le vent monte alors, sur une distance allant de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres à l’intérieur du continent. Le vent tourne alors d’ouest à nord-ouest à DDU, et on retrouve également cette signature dans la rose des vents.
Le régime catabatique est le plus violent lorsqu’il est couplé à la circulation de grande échelle, caractérisée par un corridor de basses pressions tout autour de l’Antarctique. L’air est aspiré par cette dépression et s’enroule dans le sens des aiguilles d’une montre, à l’inverse de l’Hémisphère Nord.
C’est donc en général lorsqu’un minimum centre dépressionnaire passe juste au nord  de DDU que la tempête de sud-est fait rage.
Ces dépressions sont plus fréquentes et plus creuses en général aux intersaisons, c’est pour cela que le vent est en moyenne plus fort en février-mars et septembre-octobre.
En moyenne, le vent atteint  100km/h en rafales  118 jours par an, (près d’un jour sur 3). La barre des 140 km/h, extrêmement rare dans les plaines de métropole, est franchie 32 jours par an ici. Depuis le début des relevés, il y au moins une fois par an une rafale à 180 km/h. Le record absolu de vent a été mesuré à 320 km/h lors d’un phénomène de Loewe particulièrement puissant, en juin 1972. Cette rafale a été mesurée sur un type d’anémomètre qui avait tendance à surestimer les fortes rafales. Depuis 1981 et l’installation de nouveaux capteurs, le record de vent est de 245 km/h en mai 1988.


Et en 2018 ?

L’année 2018 a été très proche des normales en Terre Adélie, contrairement à la métropole qui a connu son année la plus chaude depuis le début des observations en 1900.
Côté température, elle a varié entre -29 et +6.4°C cette année, et  -10.8°C en moyenne,  pile au niveau des normales ; trois mois avec une forte anomalie froide: mai, juin et septembre, et deux avec une anomalie chaude de plus de 1°C : avril et juillet. Avril 2018 est au 2ième rang des plus chauds depuis 1956 ; à l’inverse, juin est au  5ème rang des plus froids.
On a comptabilisé 1977h de soleil, soit un déficit modeste de 2.5% par rapport aux normales.
Quant au vent, il a soufflé en moyenne à 33 km/h, la moyenne 1981/2010 est à 33.1 km/h !
La rafale maximale a été de 210.6 km/h, le 16 avril, tout près du record mensuel.

Anomalies thermiques mensuelles en 2018


Vent maxi par mois en 2018, comparaison avec records mensuels 1981/2018


Et depuis que je suis arrivé ?

Je vais vous proposer une rubrique « climato express » que je referai à chaque article, avec, depuis mon arrivée le 9 décembre :
  • La température moyenne TM
  • La température la plus basse TNN
  • La température la plus élevée TXX 
  •  La vitesse du vent moyen FFM 
  •  Le vent moyen maximal sur 10 minutes FXY
  • Le vent instantané maximal FXI
  • Et la durée d’insolation INSOL  
Voilà ce que cela donne depuis le 9 décembre :



TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-1.4°C
-6.8°C le 31/12
6.4°C le 18/12
24.1 km/h
82.8 km/h le 24/12
122.8 km/h le 24/12
322.8 h


 Je célèbrerai avec 10 heures d'avance par rapport à la métropole le passage à la nouvelle année, héhé!
La soirée s'annonce d'ailleurs très ventée et neigeuse : -2°C sous abri avec un vent moyen de 60 km/h, soit un ressenti de -12 !

Un dernier mot pour indiquer que l'article auquel j'ai grandement contribué pour le blog officiel des TAAF est en ligne :

A l'année prochaine et bon réveillon :D









Commentaires

  1. Heureuse et Sainte année!!
    Merci pour tout tes messages qui nous font voyager !!
    Cia-ciao!!!

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