Il y a 60 ans, André Prudhomme disparaissait


A l’extrémité nord-ouest de l’île des Pétrels se trouve la croix André Prudhomme, éminent météorologue et pionnier des expéditions polaires françaises en Antarctique.
Né à Paris en 1920, Prudhomme fait de brillantes études, interrompues par la Seconde Guerre Mondiale, pendant laquelle il s’engage dans la Résistance. Il entre à l’Office National de la Météorologie en 1945 et devient ingénieur au Service Central, où il travaille à la Prévision Générale puis à la Prévision Moyenne et Longue Échéance.
 A l’époque, pas de satellite, pas de radar pour observer l'atmosphère sous tous les angles, ni de supercalculateurs pour simuler son comportement futur, dont on commençait à comprendre la complexité grâce aux avancées dans le domaine très complexe de la mécanique des fluides ; les prévisionnistes étaient en quelques sort des aventuriers de la science.
Travailleur acharné, Prudhomme effectue de nombreux travaux : sur les mesures hygrométriques, le régime pluviométrique des Alpes, la vitesse ascensionnelle des ballons, les applications météorologiques des bandes d’absorption de l’ozone et de la vapeur d’eau, les singularités de pression, et enfin l’étude de la nature des phénomènes solaires susceptibles de modifier la circulation atmosphérique, cette dernière pour laquelle il obtient le grade de docteur ès-sciences de la faculté de Lyon.





Prudhomme effectuant des observations météorologiques en Terre Adélie

A la fin des années 50, le monde s’intéresse de plus en plus aux régions polaires et en particulier à l’Antarctique, continent encore largement inconnu et un peu délaissé depuis l’âge héroïque des expéditions de Amundsen, Scott, Shakleton, Charcot ou Mawson.
L'année 1958 est celle de l'AGI, Année Géophysique Internationale, événement scientifique multidisciplinaire et international pour lequel ont été fondées la plupart des bases antarctiques actuelles.
La France vient pour sa part de construire celle de Dumont d’Urville ; l'engouement scientifique international sans précédent pour la science polaire permet de pérenniser des installations qui n’étaient au départ que temporaires.
Prudhomme, qui a déjà effectué un hivernage sur la base de Port Martin en 1951, est amené à revenir en Antarctique en tant que Chef de la Section Météorologie de la troisième expédition antarctique de l’AGI. Il disparaît dans l'après-midi du 7 janvier 1959, à la fin de son hivernage, alors qu'il était sorti pour réaliser des observations météo, par un vent soufflant entre 60 et 100 km/h. Une vitesse de vent atteinte fréquemment, même en été, comme vous le savez depuis mon article sur le climat de la Terre Adélie ;).
A cette époque, l'abri météo se situait au nord-ouest du bâtiment, vers la mer. André Prudhomme
est vraisemblablement tombé à l'eau, soit en effectuant des mesures près de la mer, soit en glissant depuis une pente de glace à proximité de l'abri de radiosondage. Malgré les importantes recherches effectuées le jour-même, à pied et par bateau, dans des conditions se dégradant rapidement avec le blizzard, son corps n'a jamais été retrouvé.
La croix André Prudhomme se trouve désormais à l'endroit supposé de sa disparition, et fait partie de la liste des Monuments Historiques en Antarctique, à l'instar des ruines de la base Port Martin, détruites par un incendie accidentel.
Ce 7 janvier 2019, et comme depuis quatre jours maintenant, le temps était radieux, on a cumulé 20h13 d'ensoleillement, la température maximale a atteint 2.6°C. Ce dégel quotidien continue de faire fondre en partie les congères de l'hiver dernier.
En tant que chef météo de la 69ème mission en Terre Adélie, c'est un honneur de se situer dans la
lignée de Prudhomme, brillant météorologue, aventurier et doué, d'après ses
contemporains, de qualités humaines exceptionnelles.
Rassurez vous cependant, ce genre d'accident malheureux ne pourrait arriver aujourd'hui, et ne s'est d'ailleurs jamais reproduit. Les équipements ont évolué, il n'y a plus besoin de relever directement la température sur l'abri météo, qui a depuis déménagé. La seule chose qui n'a que peu évolué, c'est l'envoi quotidien de ballon-sonde pour échantillonner l'atmosphère à 00hTU, ce qui correspond à 9h locales en Terre Adélie. Cet été, on en envoie trois par jour pour les besoins d'une campagne scientifique internationale. Le radiosondage, vaste sujet qui devrait faire l'objet de mon prochain article !
Les éléments de biographie au sujet de André Prudhomme ont été pris dans la revue La Météorologie, numéro du premier trimestre 1960 spécialement consacré à la météorologie antarctique, et de la revue T.A.A.F. n° 6 (janvier-mars 1959), qui consacre une importante rubrique nécrologique en la mémoire d'André Prudhomme.



La croix André Prudhomme, à demie enfouie sous la neige, photo prise le 14 décembre 2018



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