Nouvelles de DDU

Un article au titre peu original, je dois l'admettre.
Le temps passe ici à une vitesse démentielle, sans doute parce que le rythme de vie est bien rôdé sur la base, encore en mode "été", entre les rotations R2 et R3 de l'Astrolabe. Les semaines s'enchaînent à une cadence soutenue, je perds parfois le fil des jours. Il me paraît quand même important de donner quelques nouvelles à vous, fidèles lecteurs de ce blog, à propos des derniers jours, passés sur la base.


Jeudi dernier, 17 janvier (déjà !), a eu lieu un exercice incendie grandeur nature, impliquant tous les hivernants de la TA69.
Pour pallier à des incidents pendant l'hiver, trois équipes sont constituées parmi les hivernants : pompiers, sauvetage, hôpital... Et oui, il y a un hôpital à DDU. Il est baptisé Jean Rivolier, du nom du médecin hivernant de la TA7 en 1957, figure des terres australes et antarctiques françaises, également alpiniste, connu comme organisateur de la cordée victorieuse du Mont Ross à Kerguelen, dernier sommet français à avoir été vaincu !
L'hôpital, qui occupe la moitié du rez-de-chaussée du bâtiment du dortoir, comporte une pharmacie, une salle de soins dentaires, une salle de bloc opératoire, une salle de consultation, le bureau du médecin, ainsi que la chambre du médecin et celle pour un éventuel malade.
Je me suis porté volontaire pour faire partie de l'équipe pompiers, et de l'équipe hôpital en tant que logisticien (qui comprend également aides anesthésistes et chirurgien pour Claire, la médecin de la base).
Nous sommes quatre pompiers avec un équipement lourd, sous la houlette de Norbert, chef centrale, à être amenés à intervenir au plus près du feu, grâce au port de combinaisons spéciales, plus bottes et gants de sécurité, casque avec radio VHF intégrée, bouteille et masque à oxygène.

17h30 : contact radio du chef technique Laurent, signalant une alarme incendie à "la Meuse", le bâtiment regroupant l'atelier de menuiserie et le garage pour les engins.
Immédiatement, un appel général est relayé par le chef de district dans tous les bâtiments, doublé d'un appel radio en VHF.
Tout le monde doit se regrouper au bâtiment du séjour, à l'exception de l'équipe pompiers qui part s'équiper, et du chef technique, qui fait office de directeur d'intervention, qui va voir ce qu'il se passe et éventuellement éteindre l'incendie avec un extincteur.

Il faut moins de 5 minutes pour que les pompiers se rendent au bâtiment technique (le même où se trouve le bureau de la météo) et enfilent leur équipement lourd, aidé par les pompiers à l'équipement plus léger et deux autres hivernants non intervenants sur le feu, mais aidant à l'habillage.
Pendant ce temps, Alain le chef de district, également directeur de lutte, fait l'appel au séjour et signal l'absence de Raphaël, le menuisier, également un des pompiers "légers".

Peu après, le chef technique indique que la porte de la menuiserie est chaude, avec un dégagement de fumée du local, ce qui rend impossible la lutte contre le sinistre avec un seul extincteur.
C'est le branle-bas de combat pour l'équipe pompiers lourd, qui doit immédiatement se rendre à "la Meuse". Le premier binôme, composé de Norbert et Charles, ouvre la porte et intervient sur un début d'incendie de tableau électrique, grâce à un extincteur à poudre amené du séjour.
Avec Mervyn, on est prêts à intervenir avec un extincteur supplémentaire :

Le deuxième binôme , Mervyn et moi, sommes prêts à relever Norbert et Charles. Photo P.Bretel IPEV

Raph, la victime, gît inconsciente au sol et est promptement évacuée par Charles. Un premier examen rapide au sol indique qu'elle respire. Elle est placée en PLS en attendant l'intervention de l'équipe sauvetage. Le brancard arrive avec l'équipe sauvetage, puis Claire, la toubib, qui examine la victime.
On l'évacue à l'hôpital, où le bloc est préparé en urgence, pour prise de constantes.







Début d'incendie éteint, victime mise hors de danger : mission accomplie pour les pompiers ! Crédit photo P.Bretel IPEV



Après un rapide examen par le médecin,transfert de la victime l'hôpital. Crédit photo S.Begon IPEV
 




On a de la chance, il fait beau..... le trajet sur les passerelles jusqu'à l'hôpital est aisé ! Photo P.Bretel IPEV

L'exercice se termine peu après, suivi d'un debriefing.

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Mardi, nouvelle manip avec trois des ornithos, cette fois d'une durée de deux heures et sur l'île des Pétrels.
Il s'agit de récupérer des poussins Adélie (oiseau vedette de l'été à DDU !) âgés de 32 jours et leur effectuer : prises de sang, de plume, vérification de la mue, mesure de la taille des ailerons, de la distance tête bec et du poids.

Les poussins ne s'aventurent pas encore sur le bord banquise, restant sagement près de leur nid
Ce jour-là, 11 poussins autour de BIOMAR fêtaient leur 32ème jour. A cet âge là, ils se regroupent au sein de pouponnières allant jusqu'à une douzaine d'individus. Les poussins isolés sont des proies plus faciles pour leurs prédateurs, les skuas, rapaces marins endémiques de l'Antarctique.

Les poussins Adélie se regroupent en crèches. La mue de celui de droite est particulièrement avancée

Un skua et son poussin.. Il n'y a pas que des manchots à DDU !
Dans un premier temps, il faut reconnaître le poussin, à l'aide de "flags" bicolores disposés sur leur dos, puis l'attraper sans trop déranger la colonie, grâce à un crochet arrimé à un bâton.
S'ensuivent les différentes mesures, puis le relâcher. Le tout prenant une dizaine de minutes.
J'ai eu la chance de pouvoir observer de très près un rarissime poussin Adélie albinos. Deux spécimen ont été recensés sur la colonie, les deux poussins provenant du même nid. Les parents ont probablement quelques anomalies génétiques..

Image rare de deux poussins Adélie albinos !


Zoom sur l'oeil de ce manchot albinos


Hélas, ces oiseaux ne devraient pas survivre bien longtemps en dehors de leur pouponnière, ils semblent aveugles sinon malvoyants, et la cécité est un peu rédhibitoire pour la chasse du krill dans le vaste océan.
J'étais surtout spectateur, le faible nombre de poussins de la journée ne nécessitait pas la division en deux sous-groupes. Mon rôle attribué fur de libérer les poussins, une fois les manipulations terminées.
Étrange sensation que de porter cette boule de plumes toute douces, apeurée, pesant 3 à 4kg pour la poser le plus doucement possible près de ses parents inquiets.
3.3kg pour ce poussin Adélie de 32 jours !

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Depuis huit jours et mon précédent article, le temps est variable, alternant journées ensoleillées et couvertes. Il a neigé une grande partie de la journée de jeudi, une neige relativement humide tombant entre 0 et -1°C, et formant une petite couche hétérogène jusqu'à 1 ou 2 cm.
Le ciel est resté couvert vendredi avec des flocons résiduels ! Le temps est plus ensoleillé aujourd'hui, avant une sérieuse dégradation pour demain et lundi..
La tempête de neige suivra de peu l'arrivée de l'Astrolabe pour son avant-dernière rotation de l'été. Les derniers hivernants de la 68 ainsi qu'une grande partie des campagnards d'été prendront alors le chemin du retour.
La nuit n'est pas encore noire, mais la dernière nuit claire en date, celle de mardi à mercredi a été l'occasion de voir la première étoile !  Ce n'était hélas pas mon, puisque je dormais, mais ça devrait être rattrapé la semaine prochaine, si l'épisode de mauvais temps ne s'éternise pas..
 
Comme toujours, je n'oublie pas mon fil rouge climatologique avec le traditionnel petit tableau mis à jour au  24 janvier.


TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-1.5°C
-6.8°C le 31/12
6.4°C le 18/12
27,4 km/h
94,3 km/h le 01/01
143,6 km/h le 24/12
592,6 h


A très bientôt !







Commentaires

  1. Anne Laurence el Khoury2 février 2019 à 05:50

    Aaaaaaah, merci pour les nouvelles.
    Sur le plan médical, est-ce que le médecin a beaucoup de travail ? Qu'est-ce qu'elle en pense ? Tu peux nous avoir une interview ? Sait-elle opérer ou y a-t-il un chirurgien aussi ? Y a-t-il aussi un anesthésiste ? Que peuvent ils faire sur place, qu'est-ce qu'ils évacuent ? Comment on evacue?
    (Est-il même arrivé qu'une hivernante se découvre enceinte et accouche à DDU? 😁. À mon avis, non!) Merci Gaëtan. On a froid rien que de voir ton tableau....

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  2. Bonjour Anne-Laurence ! Le médecin fait surtout de la prévention, tout le monde a eu une formation aux premiers secours, indispensable en cas de pépin. Claire n'est pas chirurgien de spécialisation, ni dentiste, mais elle a eu des stages intensifs avant de partir. La majorité des interventions médicales sont des consultations régulières et de la bobologie. Il n'y a pas d'anesthésiste, deux volontaires hivernants sont aides anesthésistes en cas d'opération. Dimanche, le cuistot de la TA69 a dû subir une petite opération bénigne du doigt ; pour cela, elle a également été aidée par le médecin de l'Astrolabe.
    En hiver, pas d'évacuation possible : la banquise empêche l'approche des bateaux, et la rudimentaire piste de neige sur le continent n'est nivelée que pendant l'été, et permet le transit de fret aérien et de passagers depuis Concordia.
    Pour aider le médecin en cas d'intervention lourde, de la télémédecine peut être réalisée depuis le siège des TAAF à La Réunion.
    Il n'y a pas eu d'hivernante enceinte à ma connaissance à DDU..en tous cas, aucun accouchement. Cela est arrivé sur d'autres bases antarctiques, au niveau de la péninsule, sur des bases argentine ou chilienne, il me semble.. ELles sont accessibles toute l'année et ces pays autorisent les occupants des bases à partir avec femmes et enfants.
    J'essaierai d'obtenir une interview de Claire, c'est une bonne idée !
    A bientôt !

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Épilogue

Etape à Hobart