Manip' Ornitho
Mardi
15 janvier, j’ai pu accompagner des ornithologues hors de la base pour une
journée de manip’ terrain. Une journée riche en images et en souvenirs
mémorables !
Les
ornithos travaillent à DDU au bâtiment BIOMAR, le premier sur la droite dans la
montée depuis la piste du Lion, qui
se situe à proximité de la colonie de manchots Adélie appelée Antavia, étudiée
depuis de nombreuses années sur l’île des
Pétrels. Tous les manchots de cette colonie sont munis de transpondeurs, afin
d’enregistrer leurs allées et venues, calculer
la durée de leurs sorties en mer, étudier leurs zones d’alimentation, etc.
Vue du quai du Lion vers Pétrels. De gauche à droite : BIOMAR, le
radome VSAT, la centrale électrique, le séjour et le dortoir |
Les
manchots viennent se reproduire tous les ans au même endroit, en général là où
ils sont nés, mais il y a quand même un
certain métissage entre colonies, par le biais de juvéniles qui en général ne
se reproduisent qu’à partir de 3 ou 4 ans.
Pour
quantifier ce métissage, les ornithos disposent des antennes sur d’autres
colonies pour capter les manchots d’Antavia.
Il y
a deux semaines, quatre de ces antennes avaient été installées sur les îles
éloignées de Fram et Ifo. L’objectif de la journée
pour les ornithos est d’aller les récupérer via Pamela, le bateau semi-rigide
de l’IPEV, et les réinstaller sur
l’île du Gouverneur et le Cap Géodésie où se trouvent également des manchots
Adélie.
Carte de l'archipel (SHOM) ; île des Pétrels à droite, Gouverneur au milieu, Cap Géodésie en bas à gauche |
Une
journée intéressante en perspective, l’ambiance est détendue au petit-déjeuner
avec les ornithos. Cette bonne humeur sera
rapidement refroidie; comme on le dit très souvent ici: «en Antarctique, pas de
pronostic!». En effet, le pack y est compact
et empêche l’accostage. Il faut donc aller les récupérer en hélico, mais cela
implique le convoi de seulement deux
ornithos pour laisser la place pour ramener les antennes au retour, alors que
l’excursion bateau était prévue à 7 avec 4
ornithos, le pilote du bateau, un second, et moi en tant que touriste
privilégié.
L’excursion
est un peu tronquée, mais il est toujours envisagé de se rendre à Gouverneur et
Cap Géodésie en bateau.
La
matinée se passe pour moi dans l’attente d’un appel pour me donner le top
départ.
La
récupération des antennes prend plus de temps et se passe un peu moins bien que
prévu car une d’entre elles est tombée à l’eau à cause de la fonte du pont de
neige sur laquelle elle était posée !
Je
reçois le fameux appel à 11h40 : on embarque dans un quart d’heure. Malgré
la chaleur extérieure, je m’habille chaudement pour
le trajet en bateau en prévention d’embruns glacés (l’eau de mer est à -1°C),
direction BIOMAR pour retrouver deux des quatre
ornithos restés sur Pétrels.
Tout
le monde se rejoint au bateau, et on prend place sur Pamela. Cap sur
Gouverneur, île relativement vaste de l’archipel Pointe
Géologie, avec un air d’îles Lavezzi de l’Antarctique : des amas de
rochers marron tombant dans la mer, polis par la mer
et le vent, les touristes et la chaleur remplacés par les manchots et la neige.
Un floe avec des adélie, Gouverneur et au fond l’Antarctique avec la base de Cap Prudhomme d’où part le Raid. |
Ce constat m’a frappé en arrivant sur Gouverneur via une petite crique protégée du vent dominant, qui soufflait d’ailleurs relativement faiblement ce jour-là.
Après
avoir amarré le bateau sur les rochers, première chose à faire :
déjeuner ! On savoure les délicieux sandwiches préparés par notre
boulanger de talent. Quelques manchots curieux s’aventurent à quelques mètres
du groupe, sans doute intrigué
par cette présence humaine inhabituelle.
Des manchots Adélie bien curieux |
En allant vers la plus grosse manchotière de l’île en quête de l’endroit idéal pour installer le dispositif, on croise également un phoque de Weddell juvénile ; il fait environ 1m80 de long pour 100kg, alors que les plus gros font 3m et dépassent 300 kg !
Phoque de Weddell juvénile |
les manchotières de Gouverneur ; au fond, l’île des Pétrels avec le
mât ionosphérique datant de l'AGI (1957)
|
L’endroit choisi est une plaque de neige durcie par les différents cycles de gel et de regel, où les innombrables traces de pattes témoignent du passage fréquent des Adélie… Leur bloquant l’accès à leur rookerie depuis la mer, ils attendent que l’on finisse notre ouvrage, battant des ailerons pour signifier que nous ne sommes pas forcément les bienvenus dans le secteur !
Manchots Adélie sur le chemin de leur rookerie |
Mes
aptitudes physiques sont mises à contribution pour creuser la tranchée qui
servira à disposer l’antenne, mais aussi apporter
de gros cailloux qui serviront à lester la mallette qui contient l’antenne et
le panneau solaire indispensable à son
alimentation.
On
trouvera également sur l’île un cadavre de skua (un grand rapace antarctique
aux pattes palmées, également étudié à DDU) bagué,
qui sera ramené à BIOMAR.
L’installation
terminée, après avoir également mis en place le panneau solaire pour
l’alimentation, on rejoint Olivier notre
capitaine, qui surveillait Pamela.
Installation et terminée et lestée |
Cap Géodésie, maintenant, sur le continent. C’est déjà ma troisième excursion, après la visite de D10 le 14 décembre et la « manip en H » le 2 janvier, mais la première en arrivant par bateau ! Une émotion supplémentaire en arrivant via un petit canot, comme le firent les premiers explorateurs. Epoque évidemment révolue, mais difficile de croire qu’il y a deux siècles, aucun homme n’avait alors posé le pied sur ce continent !
Les
conditions du jour sont particulières : le ciel est nuageux, mais il fait
très doux (on relèvera une température maximale de 3,8°C à DDU), et il y a une
houle résiduelle, petite en amplitude mais longue en période, générée par la succession
de vigoureuses dépressions australes dans les « cinquantièmes
hurlants » ces derniers jours.
Dans
la petite crique située derrière Cap Géodésie, agitée par le ressac, les gros
glaçons se soulèvent périodiquement et
s’entrechoquent en produisant des craquements sourds.
La petite baie et ses glaçons ; on va installer le dispositif près de la partie rocheuse où nichent les Adélie |
Même programme que sur Gouverneur, avec cette fois-ci une antenne supplémentaire. La quatrième repose toujours au fond de l’eau du côté de Fram. L’invité surprise cette fois n’est pas un phoque, mais un manchot empereur solitaire ! Une femelle, d’après les ornithos, restée ici pour terminer sa mue. On devine les anciennes plumes autour de son cou.
Plus
grand que les Adélie, avec un long bec recourbé et un cou jaune, les manchots
Empereur sont fascinants. Leur
cri ressemble à une complainte étouffée, très différent des Adélie, qui se
situe lui entre le canard et la mouette (et
le chat, quand ils grondent si on s’approche trop près de leurs poussins). La
plupart des Empereur sont repartis en mer, ils
reviendront à leur manchotière située entre DDU et le glacier de l’Astrolabe
avant l’hiver.
Les
deux antennes sont installées en une demi-heure ; petite balade ensuite
pour moi pour admirer depuis les rochers les
falaises de glace du continent, ainsi que la vue de la baie, avec un pack qui
se densifie…
Vue sur les falaises de glace |
Après
une rapide pause goûter, quelques biscuits et un peu d’eau, on repart direction
DDU en longeant dans un premier temps le
continent pour éviter les floes les plus massifs qui rendraient la navigation
périlleuse.
L’état
de la banquise a un peu changé depuis la tempête du week-end. Le pack s’est
comprimé vers l’ouest, s’agglutinant contre la vieille banquise. Une fois le
vent calmé, il s’est relâché et tend à revenir vers l’est, donc vers DDU.
Il ne faut donc pas trop tarder pour rentrer !
Le
chemin retour se fait dans le calme, un peu à cause du bruit du bateau, mais
surtout en raison de la fatigue, du soleil et du
grand air qui nous invitent à la contemplation silencieuse de cet environnement
majestueux, apaisant. Le bateau slalome entre les glaçons plus ou moins gros,
où viennent se reposer parfois des manchots Adélie.
En
longeant la côte nord-ouest de Pétrels, en contrebas de l’abri radisondage et
du bâtiment technique abritant le
bureau météo, on aperçoit la croix Prudhomme dont la base est encore ensevelie
sous la neige ; les photos d’archives de la station ont pu la montrer à
pareille époque visible sur son socle rocheux, signe que l’hiver précédent a
été particulièrement
neigeux !
Croix André Prudhomme encore en partie sous la neige. O voit également une banquette (partie de glace qui surplombe l'eau), et les stalactites témoignent d'un cycle de dégel et de regel |
Après
mon long poste technique sur le radiosondage, je tenais à rédiger un billet
plus illustré à propos des activités extérieures
de la base, et qui constituent une part importante de la vie en communauté, à
la fois pour aider les autres scientifiques
dans leurs manipulations, mais aussi pour s’aérer l’esprit et ne pas
s’installer dans une routine de travail, d’autant qu’avec mes journées
relativement longues, je peux avoir pas mal de journées « off ».
J’aurai
donc l'occasion de relater d’autres manipulations : transpondage de
phoques, baguage d’océanites de Wilson.
En
hiver, quand la banquise autour de l’île sera suffisamment solide et les
conditions météo bonnes, il sera possible de faire des sorties et de rejoindre
à pied toutes les petites îles de la baie, mais aussi le continent.
Retour à quai avec la banane |
Enfin, le tableau climatologique mis à jour : pas de nouveaux records. Ces derniers jours, le temps a été plutôt doux, peu venté et nuageux.
TM
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TNN
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TXX
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FFM
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FXY
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FXI
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INSOL
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-1.4°C
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-6.8°C le 31/12
|
6.4°C le 18/12
|
27,8 km/h
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94,3 km/h le 01/01
|
143,6 km/h le 24/12
|
527,8 h
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