Visite de la cabane Marret

L’île des Pétrels, où se situe la base Dumont d'Urville, possède deux sites classés aux monuments historiques : la croix André Prudhomme, déjà présentée lors de l'article consacré aux 60 ans de sa
disparition (lien) et la cabane Marret, du nom du chef de la troisième expédition hivernant en Terre Adélie, la première sur l'île des Pétrels. Depuis la fin du très neigeux hiver 2012, cet endroit est interdit d'accès par sécurité, le poids des congères ayant fait rompre des solives, menaçant l'édifice.
Néanmoins, une visite exceptionnelle était proposée par le DISTA depuis quelques semaines, un jour de beau temps et de congé des personnels techniques.
Ces conditions étaient parfaitement réunies samedi 23 mars après-midi : temps ensoleillé, vent faible, inférieur à 5 noeuds, et température de -6°C. Nous étions une quinzaine d'hivernants pour la visite de cette cabane située à proximité du dortoir été.
La cabane Marret en 2019
L'intérieur (enneigé et englacé !) de la cabane en 2019

La suite de l'histoire est reprise du wiki "patrimoine" accessible en interne à DDU, d'après le récit de Jean Rivolier paru dans la Lettre n° 51 de l'AMAPOF (aujourd'hui AMAEPF) publiée en 2002.

A l'origine, elle n'était prévue que pour 4 hivernants, pendant l'année 1952. La "petite" expédition Marret, du nom de son chef Mario Marret, était vouée à l'étude de la colonie de manchots empereurs de l'archipel Pointe Géologie, découverte pendant l'un des raids des hivernants de Port-Martin. Le reste de l'expédition française devait débuter un troisième hivernage à la base de Port Martin. L'incendie de cette dernière à la fin janvier 1952 a changé la donne. Le personnel devant y hiverner a dû être rapatrié par le navire norvégien Tottan, heureusement encore sur zone. Il devait en être de même pour les quatre occupants sur l'île des Pétrels. Seulement, aucun en avait envie.
Mario Marret prit alors la décision et la responsabilité de rester. Parmi les ex-futurs hivernants de Port Martin, certains souhaitaient également rester en Terre Adélie...

Mario Marret. Photo récupérée sur le wiki "Patrimoine" de DDU, auteur inconnu

Il y aura finalement 7 hivernants pour la mission TA5, cinquième expédition française en Terre Adélie, après celle de Jules Dumont d'Urville en 1840, celle de 1948-1949, instiguée par Paul-Émile Victor, dédiée à la recherche du meilleur endroit pour la construction d'une base, et les deux hivernages à Port-Martin en 1950 et 1951.

 Voici la liste des membres de cette mission TA 5 :
  • Mario Marret, chef de l'Expédition, chargé de la documentation photo-cinéma et des enregistrements sonores
  • Robert Georges Dovers, géodésien, topographe, représentant des Expéditions Polaires Australiennes (Australian National Antarctic Research Expedition)
  • Jackie Duhamel, charpentier, chargé des constructions
  • Georges Lépineux, radiotélégraphiste, météorologiste
  • Jean Prévost, ornithologiste
  • Jean Rivolier, médecin-chirurgien, chargé d'études de biologie
  • Roger Vincent, mécanicien
Il a fallu agrandir en vitesse cette cabane, initialement prévue pour 3, au mieux 4 personnes. Dans cet espace exigu, 7 couchettes, une table à manger, une cuisine, trois bureaux, un poste radio...
Certains préféraient dormir sous tentes à l'extérieur, en compagnie des chiens de traîneaux, encore utilisés dans les années cinquante...
La cabane a été régulièrement rénovée depuis, notamment en 1986, avec l'agrandissement de la salle commune. Une plaque de la TA36, dont l'un des techniciens météo était M.Cunin, actuel chef du centre météo de Nancy et avec qui je suis en correspondance, rappelle les travaux.
Sur les murs sont affichés des portraits des "7 hommes chez les pingouins" comme ils s'appelaient eux-mêmes, réalisés par le docteur Jean Rivolier, et accompagnés de commentaires affectueusement sarcastiques !

Portrait de Mario Marret, par Jean Rivolier. Photo de Maxime AIMETTI, récupérée sur le wiki "Patrimoine" de DDU

Portraits des autres hivernants, par Jean Rivolier. Photos Maxime AIMETTI, récupérées sur le wiki "Patrimoine" de DDU


Voici celui dédié au météorologiste Lépineux, mon plus lointain prédécesseur sur l'île des Pétrels :
"Georges Lépineux : spécialité = horloger, accessoirement radio, surtout spéléo [un clin d'oeil j'imagine à ses activités d'observation météo, l'obligeant à creuser des tunnels de neige ? Simple supposition de ma part]. Caractéristique : méticuleux et pyrénéen".

Lorsque la France a organisé des expéditions en vue de préparer l'année géophysique internationale de 1957-1958, c'est sur l'île des Pétrels, au climat moins extrême que Port-Martin, qu'une nouvelle base a été construite : l'actuelle DDU !
Difficile d'imaginer pouvoir vivre dans un environnement aussi petit. Aujourd'hui, avec "seulement" trois à quatre fois plus d'hivernants, la base se répartit sur de nombreux et relativement vastes bâtiments : séjour, qui comprend cuisine, salle à manger et bibliothèque, dortoir, laboratoires, ateliers, hangars vivres, garage...

Depuis quelques jours et l'équinoxe de printemps, les nuits sont plus longues que le jour. La température n'en est pas pour autant devenue glaciale ; ce mois de mars devrait être dans le top 5 des plus doux depuis le début des mesures en 1956. L'absence de grand froid (on n'a toujours pas atteint les premiers -15°C, par exemple, ce qui en général se produit autour du 10 mars) combinée à de fréquentes tempêtes empêche la formation de banquise pérenne et solide, même dans les endroits relativement abrités.
En revanche, avec les blizzards successifs (11 jours avec chutes de neige en trois semaines, dont 4 épisodes particulièrement important)  les congères sont volumineuses pour cette époque de l'année, d'après certains hivernants récidivistes. C'est le cas derrière le bâtiment de la météo, où la congère atteint 2 mètres à l'angle nord-ouest.
Vue depuis le nord-ouest du bâtiment abritant le bureau technique de l'IPEV et la météo. L'abri radiosondage est à droite

Vue depuis l'abri radiosondage
 
Les manchots empereurs continuent d'affluer pour se regrouper sur la portion de banquise ayant résisté aux assauts de la houle de la Saint Patrick entre les îles Rostand, Lamarck et le continent, au grand dam des ornithos qui n'ont d'autre choix que de les observer à la jumelle, la mer nous séparant encore d'eux...
Il y en a désormais près de 300, et l'arrivée de près de 150 a été observée rien qu'aujourd'hui !
Vue du nord de Pétrels vers l'île Lamarck et le continent.


Zoom sur la manchotière, située entre les îles Lamarck, Rostand et le glacier de l'Astrolabe

Quatre empereurs rejoignant la colonie en marchant sur la banquise entre les îles des Pétrels et Rostand

On espère tous une période bien calme et froide, pour solidifier cette jeune banquise, et pouvoir à nouveaux accéder aux îles voisines : outre les manchots empereurs, il reste des pétrels géants antarctiques, j'aimerais beaucoup pouvoir effectuer une "manip" sur ces oiseaux majestueux avant que les poussins ne prennent leur envol !

Pour terminer cet article, le traditionnel tableau climatologique synthétique de ma mission.
Et une photo d'un récent coucher de soleil dont j'aime beaucoup le clair-obscur, et la superposition des différentes couches nuageuses.
D'ici quelques semaines, l'astre solaire se couchera sur la mer, ou encore mieux, sur la banquise !


TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-3,3°C
-14,1°C le 08/03
6,4°C le 18/12
34,7 km/h
131,0 km/h le 13/02
185,4 km/h le 14/02
911,9 h


Coucher de soleil le 25 mars

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