Retour de la lumière

Après un mois complet dominé par la douceur et les tempêtes parfois violentes entre début juillet et début août, on profite à DDU d'un temps bien plus calme, froid et ensoleillé depuis le 7 août. La transition entre ces deux périodes fut particulièrement nette ! En terme de vent moyen sur 7 jours glissants, la valeur la plus forte depuis le début de l'année s'établit désormais à 73,1 km/h entre le 31 juillet et le 6 août (avec également  pendant cette période le vent moyen maximal sur 10 minutes, 142,6 km/h le 31 juillet, et la rafale maximale 200,8 km/h le 1er août), surpassant les 68,1 km/h de vent moyen du 6 au 12 avril. La valeur la plus faible, seulement 14,3 km/h sur 7 jours, a été observée dans la foulée, entre le 7 et 13 août, plus faible que la semaine la moins ventée de l'été dernier, 15,4 km/h du 14 au 20 décembre.

Débâcle partielle autour de l'île après la tempête, le 5 août


Le 5 août, atmosphère encore chargée de neige soufflée, mais on devine l'extension importante de la polynie vers DDU

 
La date du 6 août correspond aussi à l'extension maximale de la polynie vers DDU, après un ultime épisode de catabatique très violent, avec rafales jusqu'à 173 km/h la veille.
Depuis, le temps plus froid et surtout la faiblesse du vent favorisent le regel de l'eau de mer. La limite de la polynie s'est progressivement éloignée. Elle a persisté quelque temps sur l'horizon nord-ouest, invisible à l'oeil nu, mais décelable par la formation de nuages bas résultant du fort gradient vertical de températures entre la surface de la mer, dont la température est logiquement supérieure à son point de congélation de -1,8°C, et les basses couches de l'atmosphère bien plus froides, autour de -15°C.

Le 6 août, profitant d'une accalmie à la mi-journée, j'ai participé à une excursion au bout de la pointe du Lion. Étrange sensation que de voir l'eau libre à nos pieds !
 

Vue depuis le bout de la Piste du Lion, vers le nord, le 6 août après-midi

 Au bord de la banquise, des phoques de Weddell côtoyaient des manchots empereurs réunis en petits groupes. Dans le ciel, on pouvait apercevoir pétrels des neige et fulmars, et en arrière-plan le mur de neige sur le continent, qui déferlera quelques minutes plus tard sur nous, avec des rafales jusqu'à 138 km/h.

Vue depuis le bout de la Piste du Lion, vers le sud-ouest. On aperçoit deux phoques de Weddell dans l'eau, des dizaines d'empereurs sur la banquise et au fond, le mur de neige..

 Surpris par cette subite dégradation des conditions, on effectue un rapide repli vers la base, en passant à proximité de la manchotière, où les empereurs semblent bien moins affectés que nous par les conditions de blizzard.

En quelques minutes, le blizzard s'installe

Les manchots sont bien plus adaptés que nous dans ces conditions !

 La visibilité se réduit rapidement à une cinquantaine de mètres, la température descend de -14 à -18°C (et la température ressentie par refroidissement éolien, de -25 à -36) et après quelques minutes de marche avec vent de dos, on se retrouve au séjour, bâtiment principal de la base, pour un chocolat chaud, afin de nous remettre de ces émotions glacées, et inscrire dans nos souvenirs ces quelques minutes d'héroïsme polaire..

Retour à la manchotière le lendemain, sous un ciel plus gris mais un temps beaucoup moins venté. Depuis le sommet du Mont Cervin, qui avec son aspect pyramidal et plus pentu que les autres escarpements de l'archipel, ressemble avec beaucoup d'imagination à son homonyme helvète, la vue embrasse la manchotière, quelques mètres plus bas. Depuis quelques semaines, les manchots se sont rapprochés de Pétrels, et sont accessibles en moins de 10 minutes depuis la base, et audibles par vent faible.

Vue depuis le Mont Cervin vers l'est, la manchotière est aux abords immédiats de Pétrels



Avec la multiplication des sorties grâce au retour du soleil, mais un temps qui reste froid, avec une température moyenne de -15°C, on consomme pas mal d'énergie en extérieur ! Le traditionnel goûter du mercredi à 16h30 en est d'autant plus apprécié, surtout lorsqu'il s'agit d'un gigantesque "browkie", préparé par notre pâtissier Tony !

Tony peut être fier de son "browkie" !


La présence de la polynie si proche puis son regel ont donné pendant quelques jours de splendides jeux de lumière. La durée d'ensoleillement augmente de près de 8 minutes par jour, environ une heure par semaine, et à la mi-journée le ciel est d'un bleu profond, tandis que le soleil scintille de milles feux à la mi-journée, accentuant le contraste entre le blanc du glacier, des icebergs et du continent, et les tons bleu du ciel et de la mer. Le total d'ensoleillement depuis le début du mois, 59 heures, est du même ordre que le cumul des trois mois précédents. Et pour couronner le tout, les lunettes de soleil ont été ressorties du placard dimanche dernier !

Au début du regel, en l'absence de chutes de neige, la jeune banquise avait un aspect de miroir, donnant de fabuleuses lumières, notamment au lever du soleil.

Chatoiements rose, jaune et orange pour le lever de soleil du 8 août.


 Autre curiosité atmosphérique, une timide parhélie a été observée le 9 août. On la distingue à gauche du soleil et de la photo, sous forme d'un "faux soleil" légèrement irisé. Derrière ces jolis phénomènes optiques se cachent des mécanismes de réfraction et déviation de la lumière du soleil  par les cristaux de glace contenus dans le nuage, avec un angle précis de 22°, qui s'explique par la forme hexagonale des cristaux.

Petite parhélie (sur la gauche du soleil et de la photo), le 9 août


 Le 9 août au soir, une belle aurore se montre à l'horizon nord-est, tandis que le clair de Lune met en évidence le contraste entre la polynie et la banquise.

Aurore vue vers le glacier de l'Astrolabe, le 9 août au soir


Le 10 août, excursion sur le continent, avec Greg le glaciologue, avec Charles, Aurélien et Jérémy. Il s'agit de la "manip en H", que j'avais eu l'opportunité de faire le 2 janvier dernier. Le principe est de mesurer l'émergence de dizaines de piquets plantés dans le glacier, ainsi que l'épaisseur de neige. Une manip qui dure un peu moins de trois heures, et qui est effectuée une fois par mois, pour déterminer le bilan de masse du glacier.
Sur le trajet, les sondages effectués par la tarière indiquent des épaisseurs de glace dure de 95 à 110 cm. La route d'accès au continent vers le Cap Prud'homme, au fond de la baie Pierre Lejay, a en effet été épargnée par la débâcle.
Partis à 9h sous un ciel flamboyant de cirrus, et rentrés peu après 15h, une journée plus grise que prévue mais bien remplie avec 18km de marche, et une température relativement clémente de -12°C.

Splendides couleurs au lever de soleil, le 10 août !

Arrivée à Cap Prud'homme pour Jérémy, Grégoire, Aurélien, Charles et moi

Vue depuis D3 vers DDU et la polynie au loin, le 10 août


Le lendemain, le 11 août, un petit-déjeuner est organisé au bout de la piste du Lion, pour admirer le lever de soleil, qui se produit à 9h12. On se retrouve à une petite quinzaine, patientant avec un café bien chaud et des viennoiseries dominicales préparées par Tony.
Dans des conditions de pureté atmosphérique exceptionnelle, un fugace rayon vert sera visible avant l'émergence du reste du disque solaire, mais je n'ai pas réussi à le prendre en photo. La jeune banquise est encore trop fine pour pouvoir y circuler en toute sécurité, et l'aspect n'est plus vraiment "miroir", mais le rendu reste beau.

Pointe nord de la Piste du Lion, le 11 août, en attendant le lever de soleil

Le voilà qui se présente timidement à 9h12, se reflétant dans la jeune banquise

L'après-midi, profitant des conditions calmes et ensoleillées, je passe deux heures du côté de la manchotière, à observer les empereurs, dont les poussins continuent de grandir !

11 août après-midi, du côté de la manchotière


Le 15 août est l'une des rares journées maussades des dernières semaines. Autorisation était donnée par le Dista pour se rendre sur l'île Bernard, qui avec ses 47 mètres d'altitude, 3 de plus que l'île des Pétrels, constitue le point culminant de l'archipel Pointe Géologie, et se situe dans la zone spécial de protection de l'Antarctique, avec des accès très réglementés.


Je m'y rends avec Charles, mécanicien engins mais surtout excellent camarade et féru de varappe, pour une reconnaissance du secteur, chamboulé par le vêlage d'un important iceberg par le glacier de l'Astrolabe, deux semaines plus tôt. Les rivières autour de l'île sont nombreuses et larges, les banquettes souvent inaccessibles, mais on finit par trouver une voie d'accès sécurisée, sur la face nord-est.


15 août, face nord-est de l'île Bernard, difficilement accessible


L'ascension s'effectue rapidement. Le temps hélas gris ne permet pas de profiter pleinement du panorama du sommet, mais la vue à 360° reste appréciable, vers la base, la hideuse piste du Lion où s'entassent des containers métalliques d'un autre siècle se situant en contrebas, le large, le glacier, les autres îles et le continent.


Vue vers la Piste du Lion et l'île des Pétrels depuis le sommet de Bernard, le 15 août


Zoom vers la manchotière depuis le sommet de Bernard, le 15 août


Vue vers le chaos glaciaire depuis le sommet de Bernard le 15 août, l'île Lamarck au premier plan



Après quelques minutes à profiter de la vue, la descente s'effectue sur le même versant, mais en revenant sur la banquise de l'autre côté de l'imposante rivière qui empêche d'effectuer le tour complet de l'île par la banquise.

Le lendemain, retour dans le secteur avec le Dista, afin de redéfinir le périmètre de sécurité, élargi d'une part vers l'ouest avec l'éloignement de la polynie, qui avait conduit à une réduction prudente du périmètre de sécurité après la débâcle partielle, et réduit autour des îles Bernard et Lamarck, en raison de l'instabilité marquée de la banquise depuis l'épisode de vêlage du 3 août. Du jour au lendemain, une importante rivière est apparue entre Bernard et Lamarck, ce qui montre que la situation est encore instable dans ce secteur.

A l'est de Bernard, la compression de la banquise par le glacier et les icebergs forment des structures de glace aux formes étranges, le 16 août après-midi


Depuis le 7 août donc, le temps est plutôt calme, mais le catabatique est parfois tout proche, on le devine très bien sur le continent, lorsque le mur de neige s'élève sur une centaine de mètres. A l'interface entre l'écoulement catabatique et l'extérieur, des volutes de neige s'élèvent en tourbillonnant, illustrant la turbulence au niveau de la discontinuité ! Lorsque le mur de neige recule vers l'intérieur, se produit le phénomène de Loewe, que je vous ai décrit dans un précédent article peut-être un peu trop théorique et abrupt... En voici une illustration !


12 août : menace catabatique sur le continent ! A DDU, le vent restera faible toute la journée

Coucher de la pleine Lune au-dessus de la base Robert Guillard et du continent, le 16 août au matin

 
Après une journée de samedi 17 août grise et ventée, marqué par l'anniversaire de Virgil, l'un des deux ornithos, le temps est redevenu calme, très ensoleillé et peu venté... Du point de vue météo, on est vraiment gâtés en ce moment !

Actuellement, le froid s'intensifie, et ce matin on est repassé sous les -25°C, pour la première fois depuis début juillet. Cependant, contrairement à la période très froide d'il y a un mois et demi, le rayonnement solaire est bien plus puissant, si bien qu'au soleil et à l'abri du vent, le ressenti est agréable autour de la mi-journée. Lundi après-midi par exemple, la session de déneigement de l'imposante congère située derrière le séjour s'est effectuée en simple pull, malgré la température en baisse de -16 à -24°C en seulement trois heures. En revanche, une fois le retour de l'ombre et l'effort terminé, il faut rapidement se mettre au chaud pour éviter les gelures...

Dimanche 18 août : encore quelques minutes pour profiter du soleil...

Coucher de soleil du 19 août




TM
TNN
TXX
FFM
FXY
FXI
INSOL
-9,9°C
-31,8°C le 05/06
6,4°C le 18/12
35,5 km/h
142,6 km/h le 31/07
200,8 km/h le 01/08

1154,1 h










Commentaires

  1. Bonjour, Juste un petit mot. Vos photos sont magnifique.
    Une observation, la Base que vous nommez Base Cap Prud'homme se nomme
    base Robert Guillard et le lieu est Cap Prud'homme.
    Bonne fin d'hivernage et profitez bien de temps présent.
    Un jeune de TA 21 Georges Gadioux

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    1. Bonjour, merci pour ce message et la précision concernant la base Robert Guillard. Vous avez peut-être eu la chance de croiser ce monsieur lors de votre hivernage ?

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  2. Très beau commentaire et très belles photos.
    Je m'associe à la remarque de Geoges Gadioux, à savoir qu'il faut parler de la base "Robert Guillard" située à Cap Prud'homme.
    Bonne fin d'hivernage
    Pierre Couesnon
    Président de l'AMAEPF

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    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. J'ai donc modifié l'article. Bonne journée !

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